Des musulmans se font aider par leurs voisins chrétiens

10-9-2014 | IslamWeb

Question:

Salam alaykum, Je vous envoie une question sur les liens de parenté et la manière de se comporter à l'égard des chrétiens qui aident les musulmans. Je vis en France avec mon mari qui a trouvé un emploi dans une petite ville. Toute notre famille est à l’étranger. Avec l'argent que nous avons économisé et des dons de nos familles, nous avons acheté une maison à la campagne pour ne pas avoir à emprunter dans une banque qui fait de l'usure avec le crédit. Nous avons sept enfants tous en bonne santé. Par contre, mon mari a eu un grave accident il y a quelques mois en réparant le toit de notre maison. J'étais enceinte, mes enfants étaient à l’école et je ne parvenais pas à l’aider. Nous n’avions pas encore le téléphone, alors je suis allée chez nos voisins les plus proches pour leur demander de l’aide. L’homme est venu avec sa femme aider mon mari et appeler l’ambulance, et il est allé avec lui à l’hôpital. Je me faisais tellement d’inquiétude pour mon mari que j’ai accouché trop tôt et c’est encore lui qui m’a descendu à l’hôpital parce que sa femme travaillait. Les médecins m’ont dit que s’il ne m’avait pas emmenée, mon bébé aurait pu mourir. Pendant mon absence, ils ont nourri nos enfants, ils sont allés les chercher à l’école avec leurs enfants (mon fils ainé a dix ans), ma voisine a fait la lessive et le ménage, son mari a continué quelques travaux, ils ont fait téléphoner mes enfants pour que j’ai des nouvelles de mon mari. Quand je suis sortie de l’hôpital, je n’avais pas assez de lait, et les médecins ont dit qu’il fallait mieux que je l’allaite, alors cette femme a des fois allaité mon bébé avec le sien le temps que je commence à avoir plus de lait. Comme mon mari ne travaille plus et que j’ai du mal à entretenir ma maison, des fois j’ai des vertiges et je m’évanouis à cause de la fatigue, et que nous avons dépensé beaucoup d’argent pour cette maison, j’ai à peine de quoi payer les dépenses. J’ai voulu aller demander de l’aide aux musulmans qui habitent dans la ville où travaille mon mari, mais une ancienne voisine est venue me voir pour m’aider et elle m’a vu parler à mes voisins. Depuis, elle a raconté partout que je parlais à des hommes mécréants quand mon mari n’est pas là, et tous les gens à qui je demande de l’aide me disent que si je préfère être aidée par des chrétiens plutôt que des musulmans, c’est que je suis une mécréante. Ils me disent que c’est haram d’avoir laissé cette femme nourrir ma fille, d’avoir laissé ces gens donner à manger de la viande pas hallal à mes enfants et que l’accident de mon mari est la preuve que nous sommes des pécheurs car sinon Allah nous aurait protégés. Ils me disent que je n’ai qu’à emprunter de l’argent à la banque comme on l’a fait pour la maison, alors que c’est faux. Même s’ils ne sont pas musulmans, je crois qu’ils sont très bons et très justes, ils sont catholiques et ils prient beaucoup, par exemple ils disent une prière sur la nourriture avant le repas. Le mari n’aime pas trop les musulmans je crois, mais sa femme lui a dit qu’il fallait nous aider et ils disent à d’autres chrétiens de nous aider aussi. Par exemple, pour l’Aid, un fermier nous a vendu un agneau pas cher pour que je puisse sacrifier. Ils font attention de ne pas nous donner de la nourriture impure comme du porc ou de l’alcool. Si les musulmans refusent de m’aider, est-ce que c’est haram d’accepter l’aide de ma voisine pour le ménage et d’accepter la nourriture qu’elle me donne ? Est-ce que je peux continuer à prier pour elle et son mari et qu’est-ce que je peux demander à Allah à part leur conversion et de leur rendre leurs bienfaits ? Est-ce que, si elle a allaité plus de cinq fois ma fille, elle et son mari sont des parents de lait pour mes enfants même s’ils sont chrétiens ? Incha Allah, les médecins m’ont dit que mon mari ne garderait aucune séquelle de son accident et pourrait reprendre son travail. Je prie beaucoup pour avoir la force de continuer et pour mon mari. Allah m’a déjà accordé ma prière que ma fille se porte bien et retrouve la santé. Qu’Il vous bénisse.

Réponse:

Louange à Allah et que la paix et la bénédiction soient sur Son Prophète et Messager, Mohammed, ainsi que sur sa famille et ses Compagnons :

Il y a dans cette question plusieurs sujets que nous allons résumer de la manière suivante :

Premièrement : Il n’y a aucun problème à demander de l’aide à des voisins chrétiens dans la situation qui a été mentionnée dans la question. Cela peut même être obligatoire si l’on n’a pas d’autres moyens à sa disposition, afin qu’un blessé ou un malade puisse être sauvé.
De plus, il n’est pas interdit d’accepter leur aide de manière générale, tant que cela ne mène pas à être complaisant en matière de religion ou à renoncer à certaines pratiques de la religion ou autres parmi les choses interdites. Le Prophète () a accepté des présents de certains polythéistes et il répondait à l’invitation à manger des juifs.
Nous tenons à souligner la grosse erreur qui a été commise et qui consiste à prétendre que la sœur qui a posé la question devient mécréante si elle préfère demander de l’aide à des polythéistes plutôt qu’à des musulmans. Aucun savant de l’Islam n’a dit cela et il y a ici une audace blâmable à jeter l’anathème sur un musulman. Le Prophète () a dit : « Tout homme qui dit à son frère : “Ô mécréant !”, alors l’épithète est mérité par l’un des deux. » (Boukhari et Mouslim)

Deuxièmement : les voisins ont des droits et il faut être bienfaisant envers eux, même s’ils sont mécréants comme le dit Allah, exalté soit-Il : « Adorez Allah et ne Lui donnez aucun associé. Agissez avec bonté envers (vos) père et mère, les proches, les orphelins, les pauvres, le proche voisin, le voisin lointain, le collègue… » (Coran 4/36) Al-Qurtubî a dit dans son exégèse ce qui suit : « Nawf al-Châmî a dit : “La parole d’Allah, exalté soit-Il : “le proche voisin” signifie le musulman et Sa parole : “le voisin lointain” signifie le juif et le chrétien.” Par conséquent, la recommandation faite d’agir avec bonté envers ses voisins concerne les voisins musulmans et mécréants, et cela est l’avis correct. La bienfaisance peut vouloir dire le fait de les consoler lors d’une affliction ou encore le fait de bien cohabiter avec eux, de ne pas leur nuire et de les protéger »
Abû Bakr al-Djazâ`irî a dit ce qui suit : « La parole d’Allah : “le voisin lointain” signifie “l’étranger” qu’il soit croyant ou mécréant. » (Aysar al-Tafâsîr)
Allah, exalté soit-Il, dit : « Allah ne vous défend pas d'être bienfaisants et équitables envers ceux qui ne vous ont pas combattus pour la religion et ne vous ont pas chassés de vos demeures. Car Allah aime les équitables. » (Coran 60/8) Ibn Kathîr a dit : « Ce verset signifie qu’Allah ne vous interdit pas de faire preuve de bienfaisance envers les mécréants qui ne vous ont pas combattus à cause de votre religion, comme les femmes et les faibles parmi eux. »
Al-Sa'dî a dit : « Allah, exalté soit-Il ne vous interdit pas de faire preuve de bonté envers les polythéistes parmi vos proches ou non, de maintenir les liens avec eux, de les récompenser et d’être équitable envers eux car ils ne vous ont pas combattu à cause de votre religion ni expulsés de vos demeures. Nul grief ne vous est fait de maintenir les liens avec eux car dans cette situation, cela ne comporte pas d’interdit religieux ni de méfait ».

Troisièmement : le fait, pour une femme, de parler avec des hommes non Mahrams doit impérativement être régi par les règles islamiques, comme le fait que cela réponde à un besoin et qu’il n’y ait pas de doute là-dessus, qu’il n’y ait pas de complaisance dans la parole et cela est plus avéré encore lorsqu’il s’agit d’une discussion avec des hommes mécréants. Il faut donc être vigilant et prendre ses précautions.

Quatrièmement : il nous est permis de consommer la nourriture des gens du Livre d’après la parole d’Allah : « Vous sont permises, aujourd'hui, les bonnes nourritures. Vous est permise la nourriture des gens du Livre, et votre propre nourriture leur est permise… » (Coran 5/5) Tant que vos voisins veillent à ne vous donner que de la nourriture licite, alors il n’y a pas d’inconvénient à consommer leur nourriture. Il faut cependant prendre garde à ne pas consommer de boissons ou d’aliments qui nous sont illicites tels que l’alcool et la viande de porc.

Cinquièmement : il n’est pas correct de prétendre de manière absolue que ce qui est arrivé à l’époux de cette sœur prouve qu’ils commettent des péchés. En effet, l’épreuve est une loi immuable qui touche les créatures. Allah dit : « Très certainement, Nous vous éprouverons par un peu de peur, de faim et de diminution de biens, de personnes et de fruits. Et fais la bonne annonce aux endurants. » (Coran 2/155)
Tout comme l’affliction peut survenir en tant que punition pour les péchés et désobéissances commis par une personne : elle permet d’expier les péchés, efface les fautes, élève le rang de la personne auprès d’Allah, exalté soit-Il, et augmente les bonnes actions, elle peut aussi survenir pour purifier les croyants et les distinguer des hypocrites. Le Messager d’Allah () a dit : « Les Prophètes sont les plus exposés aux épreuves, puis les plus vertueux après eux, et ainsi de suite.... Le serviteur est éprouvé selon sa foi. Plus elle est ferme, plus son épreuve sera pénible. Si elle est faible, il sera éprouvé en fonction de cela. Le serviteur ne cessera d’être éprouvé jusqu’à ce qu’il se voie marcher sur terre sans le moindre péché. » (Al-Tirmidhî : Hasan Sahîh, Ibn Mâdja, Ahmad, [Al-Albânî : Sahîh])

Sixièmement : si votre fille a été allaitée par votre voisine cinq fois et que ces tétées étaient nourrissantes, alors votre voisine et son époux deviennent ses parents de lait. En raison de cela, les oulémas disent qu’il est détestable qu’un musulman demande à une femme non musulmane d’allaiter son enfant. Ibn Qudâma a dit dans al-Mughnî : « 'Umar ibn al-Khattâb et 'Umar Ibn 'Abd al-'Azîz ont dit : “Les laits se ressemblent, ne faites donc pas en sorte qu’une juive, une chrétienne ou une fornicatrice allaite votre enfant”. Le fait qu’un enfant tète une femme polythéiste fait de celle-ci sa mère (de lait). Elle a le caractère sacré d’une mère en dépit du fait que c’est une polythéiste. Il se peut que l’enfant penche vers elle et aime sa religion »

Septièmement : il convient au musulman d’être bienfaisant envers celui qui l’a été envers lui et de récompenser celui qui lui a fait du bien. Le Messager d’Allah () acceptait les présents et récompensaient les personnes qui lui faisaient dons de ceux-ci (Boukhari). Le Prophète () a dit : « Celui qui vous rend un service, récompensez-le. Si vous n'en trouvez pas les moyens, priez pour lui jusqu'à ce que vous considériez que cela est suffisant. » (Ahmad, Abû Dâwud, al-Nasâ`î [Al-Albânî : Sahîh]) Ainsi, il est du devoir de la sœur qui a posé la question d’invoquer Allah en faveur de ses voisins afin qu’Il les guide à l’islam, et elle doit insister dans ses invocations. Le fait d’être guidé est la chose dont ils ont le plus besoin et c’est la chose la plus utile qu’ils peuvent obtenir car ils échapperont grâce à celle-ci au châtiment d’Allah et à Sa colère, gagne Sa satisfaction et Son Paradis.
La sœur qui a posé la question doit rechercher les meilleurs moyens pour faire connaître à ses voisins la réalité de l’Islam, leur donner envie de se convertir et à les appeler à cette religion.

Huitièmement : il n’est pas permis de faire des crédits usuraires et vous avez bien agi en évitant de recourir à cela.

Et Allah sait mieux.

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