Eclaircissement sur la question de la confiance en Allah et le recours aux moyens licites

30-4-2017 | IslamWeb

Question:

Salam alaykoum wa rahmatouLahi wa barakatouh,
Dans la fatwa n°17715, je lis : « Si vous délaissez l’intercession de votre coreligionnaire pour vous en remettre exclusivement à Allah, exalté soit-Il, cela ne sera pas un signe d’orgueil, mais plutôt une marque de pleine confiance en Allah, exalté soit-Il, qui vous mène à tourner le dos aux moyens, qu’ils soient licites ou répréhensibles. Nous souhaitons que vous soyez parmi les bienheureux desquels le Prophète (Salla Allahou Alaihi wa Sallam) a dit, d’après ibn 'Abbâs, et de son père :
« Ce sont ceux qui ne demandent à personne de les soigner par la Ruqia, qui ne croient point au mauvais augure, qui ne se soignent pas par la cautérisation et qui s’en remettent en tout à leur Seigneur. » (Ahmad, Boukhari et Mouslim)
Et sachez que celui qui s’en remet exclusivement à Allah, exalté soit-Il, verra Allah, exalté soit-Il, lui suffire. Allah, exalté soit-Il, dit (sens du verset) :
« Et quiconque craint Allah, Il Lui donnera une issue favorable, et lui accordera Ses dons par [des moyens] sur lesquels il ne comptait pas. Et quiconque place sa confiance en Allah, Il [Allah] lui suffit. Allah atteint ce qu’Il Se propose, et Allah a assigné une mesure à chaque chose. » (Coran 65/2-3) »
Et dans la fatwa n°76579, je lis : « La confiance en Allah n’est pas en contradiction avec le recours aux moyens licites. Par contre c’est l’abandon de ces moyens qui est en contradiction avec la Chariâ. »
Donc, d’un côté je lis que l’on peut s’en remettre totalement à Allah, que c’est une marque de pleine confiance, qui nous mène à tourner le dos aux causes qu’elles soient licites ou pas. Et d’un autre côté, je lis que l’abandon de ces causes (licites) est justement contraire à la charia ! Pouvez-vous m’expliquer ce qui me semble être une contradiction ?

Réponse:

Louange à Allah et que la paix et la bénédiction soient sur Son Prophète et Messager, Mohammed, ainsi que sur sa famille et ses Compagnons :

Il n'est pas permis de dire que délaisser le recours aux moyens licites dans l'absolu revient à s'en remettre parfaitement à Allah ni non plus que cela est contraire à la Législation islamique ! En effet, les moyens licites ne sont pas tous du même type ni du même rang. Certains moyens sont nécessaires et relèvent de la Loi d’Allah, exalté soit-Il, pour tous les êtres humains comme le fait de combler sa faim en mangeant, de combler sa soif en buvant et de chercher à avoir un enfant en se mariant. D'autres moyens ont été prescrits par la Législation islamique comme le fait de chercher sa subsistance ou prendre des provisions pour partir en voyage.
Enfin, d'autres moyens sont détestables du point de vue de la Législation islamique comme le fait de se soigner par la cautérisation, demander à quelqu'un de pratiquer la Ruqiya sur soi ou encore implorer l'aide ou l'intercession des gens. Ce dernier type de moyens, même s'il n'est pas contraire au fait de placer sa confiance en Allah, reste toutefois contraire à la confiance parfaite et complète en Allah ! C'est ce qu'indique le hadith dans lequel le Prophète () a dit :

- « Soixante-dix mille membres de ma communauté entreront au Paradis sans jugement. »

- « Qui sont-ils, ô Messager d'Allah ? », lui demanda-t-on.

- « Ce sont ceux qui ne croient point au mauvais augure, qui ne se soignent pas par la cautérisation, qui ne demandent à personne de les soigner par la Ruqiya et qui s’en remettent entièrement à leur Seigneur. », répondit-il. (Boukhari, Mouslim)

Ibn al-Qayyim a dit : « Il indiqua qu'ils ne demandent à personne de les soigner par la Ruqiya et c'est pourquoi il dit : "et qui s'en remettent entièrement à leur Seigneur." Du fait de leur entière confiance en Allah, du fait qu'ils s'en remettent entièrement à Lui, Lui font confiance, sont satisfaits de Son décret et Lui confient leurs besoins, ils ne demandent rien aux gens, ni qu'ils pratiquent la Ruqiya sur eux ni quoi que ce soit d'autre. » (Zâd al-Ma'âd)

Le cheikh al-Ghunaymân a dit dans son explication du livre intitulé Fat-h al-Madjîd : « La confiance en Allah est l'une des meilleures œuvres et des plus éminentes. C'est pourquoi cette quatrième caractéristique est celle qui résume toutes les précédentes. C'est en raison de la perfection de leur confiance en Allah qu'ils ne demandent à personne de pratiquer la Ruqiya sur eux et encore moins de demander quoi que ce soit d'autre. Ils ne demandent donc rien des choses de ce monde à personne. »

Cela est aussi démontré par le fait que le Prophète () fit prêter serment à un groupe de ses compagnons de ne rien demander aux gens. Un compagnon dit : « Je vis effectivement par la suite le fouet de l'un d'eux tombé du haut de sa monture et il descend pour le ramasser sans demander à personne de le lui tendre. » Le cheikh al-Islâm ibn Taymiyya a dit : « Demander aux gens des choses de ce monde qu’ils ne sont pas obligés de faire n'est ni obligatoire ni recommandé, mais la personne doit plutôt les demander à Allah en espérant qu'Il les lui procurera et en s'en remettant à Lui. Par principe, le fait de demander à quelqu'un quelque chose est illicite, mais est permis en cas de nécessité. Toutefois éviter de le faire en s'en remettant entièrement à Allah est préférable. »

Ibn 'Abbâs, qu'Allah soit satisfait de lui, a rapporté : « Les gens du Yémen avaient l'habitude d'accomplir le Hadj sans prendre de provisions avec eux en disant : "Nous sommes ceux qui s'en remettent à Allah." Une fois arrivés à La Mecque, ils quémandaient alors auprès des gens et Allah révéla alors le verset suivant : "[...] Et prenez vos provisions ; mais vraiment la meilleure provision est la piété. [...]" (Coran 2/197) » (Boukhari).

Ibn Battâl a dit dans son explication de Sahîh Boukhari : « Al-Muhhalab a dit : "Cela montre que ne rien demander aux gens fait partie de la piété. Ne voyez-vous pas qu'Allah fit l'éloge d'un peuple en disant (sens du verset): '[...] Ils n'importunent personne en mendiant. [...]' (Coran 2/273) Allah, exalté soit-Il, dit aussi (sens du verset) : '[...] Et prenez vos provisions ; mais vraiment la meilleure provision est la piété. [...]' (Coran 2/197) C'est-à-dire prenez des provisions, n'importunez pas les gens en quémandant auprès d'eux et craignez le péché de les importuner en le faisant. Cela montre également qu’on ne peut s’en remettre à Allah en quémandant auprès des gens, mais au contraire en ne demandant aucune aide de personne en quoi que ce soit. C'est ce qu'indique la parole du Prophète () : 'Soixante-dix mille membres de ma communauté entreront au Paradis sans jugement. Ce sont ceux qui ne croient point au mauvais augure, qui ne se soignent pas par la cautérisation, qui ne demandent à personne de les soigner par la Ruqiya et qui s’en remettent entièrement à leur Seigneur.'" »

On demanda au cheikh Khâlid al-Muslih : « Le fait qu'un homme demande un service à quelqu'un est-il contraire au fait de s'en remettre à Allah ? »

Il répondit : « S'en remettre à Allah n'est en rien contraire au fait de réclamer son droit comme le fait de réclamer de l'argent auquel on a droit. Cependant, le fait de ne rien réclamer aux gens qui ne soit de son droit est un signe de perfection éthique, et ne rien demander aux gens est dans ce cas recommandé. Exemple, si mes lunettes tombent, je ne vais pas dire : "Qu'Allah t’accorde le salut, peux-tu me les donner ?" et je vais plutôt les ramasser moi-même. C'est pourquoi le Prophète () fit prêter serment à certains de ses compagnons de ne rien demander à personne et que lorsque le fouet de l'un d'entre eux tombait alors qu'il se trouvait sur sa monture, il descendait de celle-ci pour le ramasser lui-même sans rien demander à personne par respect du serment fait au Prophète (). Cela ne signifie pas que demander quelque chose à quelqu'un est contraire au fait de s'en remettre à Allah, mais cela pousse l'homme à se tourner vers un autre qu'Allah. Or, il convient d'éviter cela autant que possible. »

Et Allah sait mieux.

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