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La vie monacale artificielle

La vie monacale artificielle

Le Prophète, Salla Allahou `Alaihi wa Sallam, a dit : «Ce bas-monde est maudit et tout ce qu’il contient est maudit sauf l’évocation d’Allah et ce qui s’y attache, de même qu’un savant (en sciences religieuses) ou un étudiant.»

Mo`aadh lut ce hadith un jeudi matin, alors qu’il feuilletait un livre. Il fut absorbé par ce qu’il lut et ce qu’il vit et y médita longuement. Les idées surgirent comme une cascade et il commença à s’interroger…Le hadith veut-il dire que la vie d’ici-bas n’est faite que pour l’adoration ? Ceci veut-il dire que le travail est considéré comme une chose qui distrait et fait perdre son temps ? Ceci signifie-t-il qu’il faut demeurer dans les mosquées et ne pas les quitter ?
Si la réponse est affirmative, ceci nous pousse à poser davantage de questions plus importantes : grâce à quoi mangerons-nous et nourrirons nos garçons et nos filles ? Qui occupera les postes de direction dans la nation islamique ? Qui travaillera dans les usines et les supermarchés ? D’où sortiront les médecins, les architectes, les astronomes, les stratèges militaires, et autres scientifiques ? Laisserons-nous tout cela aux non Musulmans qui nous contrôleront alors et nous humilieront de plus en plus.
Toutes ces interrogations, et bien d’autres, vinrent à l’esprit de Mo`aadh. Elles lui causèrent de l’insomnie et le préoccupèrent jusqu'à l’heure de sa rencontre avec cheikh Youssef, après le dîner, à la mosquée. Mo`aadh ne put cacher sa préoccupation qui se manifesta d’ailleurs clairement sur son visage, au point que le cheikh Youssef la remarqua et décida de lui en demander les causes.
Une fois la prière terminée, Mo`aadh s’assit devant le cheikh qui lui demanda d’abord : « Comment vas-tu Mo`aadh, tu as l’air très soucieux aujourd’hui. Qu’est-ce qui ne va pas ? Qu’est-ce qui te préoccupe à ce point? »
Mo`aadh répondit avec hésitation : « Louange à Allah, cheikh Youssef. Il ya une chose qui me préoccupe depuis ce matin et je n’arrive pas à la chasser de mon esprit ».
« Qu’est-ce qui ne va pas Mo`aadh ? Dis-le-moi, il se peut que tu trouve chez moi une solution au problème qui te préoccupe.» dit Cheikh Youssef, avec une voix empreinte d’inquiétude.
Mo`aadh répondit impulsivement, comme s’il était fatigué de cacher davantage cette chose : « En fait, cheikh Youssef, j’ai lu un hadith ce matin qui a failli détruire ma conception de l’Islam et du respect de la religion et établir une nouvelle conception. Certes, vous le connaissez, il s’agit du hadith dans lequel le Prophète () dit :
« Ce bas-monde est maudit et tout ce qu’il contient est maudit sauf l’évocation d’Allah et ce qui s’y attache, de même qu’un savant (en sciences religieuses) ou un étudiant.»
Cheikh Youssef dit avec étonnement : « Oui je le connais mais qu’est-ce qui t’a poussé à dire qu’il a failli détruire ta conception de l’Islam ? ».
Mo`aadh répondit avec embarras : « Cheikh Youssef, j’ai compris de ce hadith que le travail et la production ne sont pas importants car ils ne font pas partie de l’évocation d’Allah et des actions qui s’y attachent».
Cheikh Youssef sourit à Mo`aadh, lui donna une tape sur l’épaule et lui dit : « Mo`aadh, ne te hâte pas de juger les choses de prime abord. Tu dois prendre un peu de temps pour réfléchir avant d’expliquer les choses. Ce hadith ne veut pas du tout dire ce que tu as compris. J’ai de nombreuses preuves qui le démontrent ».
L’inquiétude de Mo`aadh commença à se dissiper progressivement puis il demanda avec empressement : « Dites-moi par Allah, cheikh Youssef, quel est donc le sens de ce hadith ? »
Cheikh Youssef se redressa et dit : « Ecoute, Mo`aadh, avant de répondre à ta question je vais te lire un autre hadith du Prophète () qui t’ébahira :
«Si l'Heure arrive et que l'un de vous a une bouture en main, alors s’il a le temps de la planter avant qu’elle n’arrive, qu’il le fasse» (Al-Albaani : Sahih)
Nous pouvons nous attendre, alors que le Jour de la Résurrection est sur le point d’arriver, que le Prophète (Salla Allahou `Alaihi wa Sallam) nous enjoigne de nous repentir, d’implorer le pardon d’Allah, exalté soit-Il, d’oublier la vie d’ici-bas et de nous tourner entièrement vers la vie de l’au-delà. Mais à notre grande surprise, il nous donne l’ordre de travailler la terre en y plantant une bouture, et quelle bouture le Prophète () nous ordonne-t-il de planter ? Celle d’un palmier qui ne donnera ses fruits qu’après de longues années…qu’en penses-tu Mo`aadh ? »
Mo`aadh resta bouche bée et dit : « Je ne me serais jamais attendu à ce que le Prophète (Salla Allahou `Alaihi wa Sallam) nous ordonne une telle chose !! »
Cheikh Youssef poursuivit en disant : « Le Prophète () n’a dit ces paroles que pour nous montrer que le chemin de l’au-delà est le même que celui d’ici-bas, sans différence ni séparation ; ce ne sont pas deux voies séparées : l’une pour l’au-delà et l’autre pour ce bas monde. C’est le même chemin qui comprend les deux et établit un lien étroit entre eux.
Il n’y a pas un chemin conduisant à l’au-delà qui s’appelle l’adoration et un autre chemin pour ce bas-monde qui s’appelle le travail pour gagner sa vie, c’est le même chemin qui commence dans ce bas monde et s’achève dans l’au-delà, un chemin où l’adoration et le travail sont indissociables, les deux ne faisant qu’un aux yeux de l’Islam.»
C’est par un tel raisonnement que nous pouvons comprendre le sens de verset : «Dis: «En vérité, ma Salât, mes actes de dévotion, ma vie et ma mort appartiennent à Allah, Seigneur de l’Univers.» (Coran 6/162)
Il est donc illogique que l’être humain reste jour et nuit à prier, à jeûner et à lire le Coran pour que toute sa vie soit ainsi vouée à Allah, exalté soit-Il. Ceci n’était pas le mode de vie que menaient le Prophète () et ses nobles compagnons.
Il est donc indispensable de combiner la vie d’ici-bas et celle de l’au-delà et d’en faire une seule voie pour que le croyant puisse vouer toute sa vie à Allah, exalté soit-Il. Mo`aadh, si tu arrives à concevoir ce sens global de l’adoration, tu sauras pourquoi notre nation s’est égarée et est à la traîne des autres nations. En effet, elle s’est divisée en deux groupes :
Un groupe qui néglige la vie d’ici-bas sous prétexte de se consacrer entièrement à la vie de l’au-delà et un autre groupe qui néglige la vie de l’au-delà pour gagner la vie d’ici-bas, non pas pour obtenir l’agrément d’Allah, exalté soit-Il, mais pour assouvir ses passions et ses désirs.
Les « géants » de la foi, qui sont sur le chemin d’Allah, exalté soit-Il, sont les vrais gagnants car ils recherchent la satisfaction de leur Seigneur dans toutes les actions qu’ils accomplissent. Ce sont ceux-là dont la foi est profondément encrée dans le cœur, libérant chez eux des capacités et des énergies immenses qui les ont poussés à construire et à peupler la terre, réalisant la plus grande ambition, celle du succès éternel.
Ce succès qui commence dans la vie de ce bas-monde, par une bonne vie, la joie des réalisations, et le plaisir du succès, le tout pour obtenir la satisfaction d’Allah et qui se termine par la vie de l’au-delà dans les Jardins d’Eden, dans un séjour de vérité auprès d’un Souverain Omnipotent.
Il y a d’autres preuves dans le Coran et la Sunna qui corroborent mes paroles, Mo`aadh.
Allah, exalté soit-Il, dit : ««Je vais établir sur la terre un vicaire «Khalifa»» (Coran 2/30). Allah, exalté soit-Il, a chargé le croyant d’être vicaire sur terre et de travailler à sa construction et à son peuplement, réalisant ainsi l’adoration de son Seigneur, exalté soit-Il. L’être humain ne saurait accomplir cette mission difficile sans les facteurs et les moyens nécessaires. Allah, exalté soit-Il, lui a donc donné ces moyens et l’a créé sous la forme la plus parfaite : «Nous avons certes créé l’homme dans la forme la plus parfaite. » (Coran 95/4) pour qu’il puisse assumer au mieux cette tâche. Les compagnons du Prophète en donnent le meilleur exemple. Comment ont-ils pu établir l’Etat le plus grandiose sur terre en une période de temps insignifiante. Ils ont fondé pour l’univers la civilisation la plus raffinée de leur époque, une civilisation qui a constitué les bases de la Renaissance en Occident. Briffault a dit dans l’un de ses fameux ouvrages Making of humanity : « Ce que nous devons aux Arabes, ce ne sont pas les découvertes fascinantes de théories nouvelles qu’ils nous ont offertes mais nous leur devons d’avoir existé. La science n’avait aucune place dans le monde du passé. Les Grecs ont établi les doctrines, généralisé les règles et institué des théories mais les méthodes pondérées et réfléchies de recherche, la collecte d’informations positives et leur concentration, les méthodes détaillées de la science, l’observation méticuleuse continue, la recherche expérimentale, tout cela était totalement étranger au tempérament grec.
Ce que nous appelons science est apparu en Europe comme le résultat d’un nouvel esprit de recherche et de nouveaux moyens d’études. Cet esprit et ces méthodes ont été introduits plus tard par les Arabes dans le monde européen ».
Il n’est donc pas étonnant que le Prophète () ait demandé à Zayd ibn Thabet (qu'Allah soit satisfait de lui) d’apprendre et de métriser l’hébreu. Le Prophète () connaissait les capacités de cette créature qu’Allah, exalté soit-Il, avait honorée en en faisant Son vicaire sur Sa Terre. Ce noble compagnon a donc appris cette langue de la parfaitement métriser en deux semaines seulement.
Voici deux autres remarquables hadiths qui vont dans ce sens:
Anas (qu'Allah soit satisfait de lui) a rapporté les paroles suivantes du Prophète ():
«Sept actions valent à leur auteur une rétribution continue dans sa tombe : l’enseignement d’un savoir, le creusement du lit d’un fleuve, le creusement d’un puits, la plantation d’un palmier, la construction d’une mosquée, le legs d’un exemplaire du Coran, un enfant pieux qui implorera le pardon d’Allah pour lui.» [(Al-Bazaar) (Al-Albaani : Hassan)]
Selon Djaaber, qu'Allah soit satisfait de lui, le Prophète () a dit :
« Tout ce qui ne relève pas de l’évocation d’Allah n’est que jeu et amusement, hormis quatre choses : la plaisanterie d’un homme avec son épouse, le domptage de son cheval par l’homme, l’apprentissage du tir à l’arc et l’apprentissage de la nage. » [(An-Nissaa’ii) (Al-Albaanii : Sahih)]
Nous trouvons chez les Compagnons du Prophète () les exemples les plus merveilleux :
`Abderrahman ibn `Awf :
`Abderrahman ibn `Awf (qu'Allah soit satisfait de lui) vendit un terrain à Othman et son prix était de quatre mille dinars. Il le distribua aux indigents de Banou Zahra, aux Mouhaadjirines (émigrés mecquois) pauvres, aux mères des croyants (qu'Allah soit satisfait d’elles) et n’en garda rien pour lui-même. Ibn `Abdel Barr, qu'Allah lui fasse miséricorde, dit : «Il était chanceux en commerce. Il laissa après sa mort mille chameaux, trois mille chèvres, cent chevaux, et cultivait une terre à Al-Djaraf –à 100 milles de Médine, approximativement du côté de la Grande Syrie – en utilisant vingt chameaux ».
As-tu donc compris, Mo`aadh, que notre religion incite à la production, à l’efficacité, et n’appelle guère à une vie monacale artificielle qui a pour seule raison l’incapacité de construire et de peupler la terre ?
Mo`aadh baissa un peu la tête puis dit avec fermeté : « J’ai compris, cheikh Youssef. Je suis désormais convaincu qu’il faut bien comprendre la religion pour ne pas mélanger les notions correctes avec celles qui sont fausses et pour éviter de mal comprendre la réalité de notre religion droite qui prône toujours ce qu’il y a de meilleur pour l’individu et la société.

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