Il est interdit d'accomplir une aumône en déléguant la récompense à un mécréant
Fatwa No: 246838

Question

salam alaykom, Premièrement je voudrais vous remercier et vous souhaiter l'agrément d'Allah le très haut pour votre travaille, vous m'avez apporté plusieurs réponses, je vous dis donc merci et baraka allaho fikom. Je saisis toute de même l'occasion de vous poser la question suivante: dans le cas où un homme perd un proche parent mécréant, est-il convenable de faire des sadaqa (aumône), d’essayer de régler ses dettes... tout ce genre de choses que notre religion si sublime nous recommande de faire ? Est-il convenable de le faire en son nom ? Est-ce que le prophète sws a fait ce genre de chose lors de la mort de son proche parent Abu Talib ? Enfin est-il vrai que ce n'est pas correct d'employer le genre d'abréviation que je viens d'utiliser "sws" en mentionnant le Prophète sws. Apparemment c'est au moins l'avis de l'imam Ahmed. braka allaho fikom.

Réponse

Louange à Allah et que la paix et la bénédiction soient sur Son Prophète et Messager, Mohammed, ainsi que sur sa famille et ses compagnons :

Il est interdit d'accomplir une aumône ou une autre bonne œuvre en déléguant la récompense à un mécréant, car la récompense de cette aumône ne lui sera d'aucun bénéfice et il ne l'obtiendra pas. 'Abd Allah ibn 'Amr ibn al-'Âs a rapporté qu'al-'Âs ibn Wâ`il demanda que l'on affranchisse pour lui cent esclaves après sa mort. Son fils Hichâm en affranchit cinquante et son fils 'Amr voulut affranchir les cinquante esclaves restant, mais dit : Je ne le ferai qu'après avoir consulté le Messager d'Allah à ce sujet. Il se rendit auprès du Messager d'Allah et lui dit : Ô Messager d'Allah, mon père a recommandé que l'on affranchisse cent esclaves après sa mort. Hichâm en a affranchi pour lui cinquante et il en reste donc cinquante à affranchir. Dois-je les affranchir pour mon père ? Le Messager d'Allah () lui répondit :

S'il avait été musulman, il aurait obtenu la récompense de tout affranchissement d'esclave, aumône ou pèlerinage que vous auriez accomplis pour lui. [Abû Dâwûd, al-Bayhaqî (al-Albânî : Hasan)]

Dans une autre version, le Prophète () lui dit :

Concernant ton père, s'il avait affirmé sa foi dans le monothéisme et que tu aies jeûné ou aies fait une aumône pour lui, cela lui aurait alors été bénéfique. (Ahmad, ibn Abî Chayba)

'Amr ibn Chu'ayb a rapporté : Al-'Âs ibn Wâ`il devait affranchir cent esclaves et recommanda à son fils Hichâm d'en affranchir cinquante et à son fils 'Amr d'en affranchir cinquante autres. 'Amr en informa le Messager d'Allah () qui lui dit :

"On ne peut affranchir d'esclave pour un mécréant. S'il avait été musulman, il aurait obtenu la récompense de tout affranchissement d'esclave, aumône ou pèlerinage que vous auriez accomplis pour lui." ('Abd Al-Razzâq : Hadith Mursal)

Al-Chawkânî a dit : Ce hadith indique que si un mécréant recommande une bonne œuvre, il n'obtient pas la récompense de cette bonne œuvre, car la mécréance est un obstacle à l’acquisition de cette récompense. De même, il n'obtient pas la récompense de ce que ses proches musulmans accomplissent comme bonnes œuvres tels l'affranchissement d'esclaves, l'aumône, le pèlerinage sans qu’il ne leur ait fait de recommandation. Peu importe que celui qui accomplit ces actes en son nom soit son enfant ou autre. (Nayl al-Awtâr)

Al-Qârî a dit : C’est parce qu'il n’avait pas embrassé l'Islam qu'il n’a pas obtenu la récompense de cet acte, car il ne remplissait pas la condition nécessaire pour cela, qui est d'être musulman. (Mirqât al-Mafâtîh)

Al-Munâwî a dit : Si le défunt est musulman et que l'on accomplit cet acte en son nom, ce dernier en obtient la récompense et en tire profit, mais il ne l'obtient pas s'il est mécréant. (Fayd al-Qadîr)

Ibn 'Uthaymîn a dit : Le mécréant ne tire aucun profit de ce qu'autrui accomplit comme bonnes œuvres dont il lui ferait don. Il est donc interdit de faire don d’une bonne œuvre à un mécréant décédé tout comme il est interdit d'invoquer Allah en sa faveur ou de L'implorer de lui pardonner. Allah, exalté soit-Il, dit (sens du verset) :

"Il n'appartient pas au Prophète et aux croyants d'implorer le pardon en faveur des polythéistes, fussent-ils des parents alors qu'il leur est apparu clairement que ce sont les gens de l'Enfer." (Coran 9/113).

'Abd Allah ibn 'Amr ibn al-'Âs a rapporté... puis il cita le hadith.

Quant au fait de rembourser la dette d'un défunt mécréant, le Cheikh ibn Bâz a dit à propos des droits du père mécréant : On ne peut invoquer Allah en sa faveur, ni faire une aumône ou un sacrifice en son nom, mais il est préférable que l'on rembourse ses dettes, car cela allège son châtiment. Il est donc préférable de rembourser la dette de votre père avec votre argent si vous en avez les moyens ou avec l'argent qu'il a laissé (Fatâwâ Nûr 'alâ al-Darb)

Concernant la position du Prophète () par rapport à son oncle Abû Tâlib après la mort de ce dernier, il a été rapporté que le Prophète () a dit : J’implorerai le pardon pour toi tant que cela ne me sera pas interdit. C’est alors que fut révélée la parole d’Allah (sens du verset) :

Il n'appartient pas au Prophète et aux croyants d'implorer le pardon en faveur des polythéistes, fussent-ils des parents alors qu'il leur est apparu clairement que ce sont les gens de l'Enfer. (Coran 9/113) (Boukhari et Mouslim).

Il n'a pas été rapporté que le Prophète () ait accompli une quelconque bonne œuvre par laquelle on recherche la récompense de l'au-delà en son nom. Au contraire, le Prophète () n'assista ni à son cortège funèbre ni à son enterrement. 'Alî, qu'Allah soit satisfait de lui, a rapporté : Je dis au Prophète () : "Ton vieil oncle égaré est décédé." Il me dit : "Va, enterre ton père et ne dis rien jusqu'à venir auprès de moi." Je l'enterrai puis vint à lui et il m'ordonna de me laver. Je me lavai donc et il invoqua Allah en ma faveur. [Abû Dâwûd, al-Nasâ`î (al-Albânî : sahîh)]

Quant à l'abréviation des salutations sur le Prophète () sous la forme sws ou toute autre forme, le cheikh 'Abd Al-'Azîz Ibn Bâz, qu'Allah lui fasse miséricorde, a rédigé à ce propos une célèbre lettre publiée dans le douzième numéro du magazine intitulé Al-Buhûth al-Islâmî. Il y dit entre autre : Il est légitime que la formule des salutations soit écrite de manière complète, afin d'obéir aux ordres d'Allah et de rappeler au lecteur de la mentionner en la voyant. Ainsi, en l'écrivant, il ne convient pas d’abréger la formule des salutations pour le Messager d'Allah par les lettres "saws", "sws" ou à l'aide d'autres symboles semblables auxquels certains écrivains et auteurs ont recours, étant donné que cela implique de désobéir à l'ordre d'Allah, exalté soit-Il, qui dit dans Son Noble Coran (sens du verset) : "[…] priez pour lui et adressez [lui] vos salutations." (Coran 33/56). D'autant plus que ces abréviations ne remplissent pas l'objectif de ces salutations et font disparaître le mérite apporté par l'écriture de la formule "Salla Allahou `Alaihi Wa Sallam" toute entière. Il se peut que le lecteur ne s'aperçoive pas de ces abréviations ou n'en comprenne pas la signification. Il faut aussi ajouter que le fait de recourir à des symboles pour la désigner est déconseillé par les oulémas qui vont jusqu'à mettre en garde contre cette pratique. Ibn al-Salâh a dit, dans son ouvrage intitulé 'Ulûm al-Hadîth, plus connu sous le titre Muqaddima ibn al-Salâh, dans le vingt-cinquième chapitre de son livre intitulé "La retranscription des hadiths, la manière de les retranscrire et les restrictions à ce sujet" :

"Chapitre neuf : Veiller continuellement à écrire la formule d’eulogie après la mention du nom de Prophète d'Allah () sans se lasser de la répéter à chaque fois qu'il est mentionné, car il s'agit d'un des plus grands avantages que les étudiants du hadith et ceux qui se chargent de les retranscrire doivent profiter. Quant à celui qui néglige de l'écrire, il se prive d'un bien grand mérite. Nous avons vu en rêve des gens qui le font en très bonne posture, car, l'écriture de cette formule représente une véritable prière et non la retranscription de simples paroles. C’est pourquoi, cette formule doit être transcrite qu’elle figure ou non dans la narration originale. (…) Ensuite, il faut éviter deux négligences en la rédigeant : la première est de l'écrire de manière incomplète, sur le plan de la forme, en ayant recours aux symboles ou en l'abrégeant à deux lettres ou autres ; et la deuxième est de l'écrire de manière incomplète, sur le plan du sens, en omettant de mettre "wa Sallam". On rapporte que Hamza Al-Kinâni, qu’Allah lui fasse miséricorde disait : “J’écrivais le hadith et après la mention du Prophète () j’ométtais d’écrire ‘wa Sallam’. Je vis alors le Prophète () en rêve qui me dit : ‘Pourquoi ne complète tu pas tes prières pour moi ?’ Depuis, je n’ai plus jamais écrit : ‘Salla Allahou Alaihi’, sans ajouté : ‘wa Sallam’”. (…) Je dis qu'il est également déconseillé de se contenter de dire seulement "`Alaihi al-Salâm" et Allah sait mieux." Fin du résumé de ses propos, qu'Allah lui fasse miséricorde.

L'érudit al-Sakhâwî, qu'Allah lui fasse miséricorde, a dit dans son livre intitulé Fath Al-Mughîth Charh Alfiya Al-Hadîth d'Al-`Irâqî : "Évitez, ô écrivains, d'avoir recours au symbole pour désigner cette formule d’eulogie suivant la mention du Prophète d'Allah () dans votre écriture, en vous contentant d'écrire une ou deux de ses lettres ou autres, si bien qu’elle soit incomplète – au niveau de la forme – à l'instar de certains écrivains, et des ignorants non-Arabes, ainsi que des étudiants, du commun des gens. Ceux-ci écrivent 's', 'sws' ou 'saws' au lieu de 'Salla Allah `Alaihi Wa Sallam' ce qui leur vaut une partie de la récompense due à l'écriture incomplète de la formule ce qui n’est pas la meilleur attitude à adopter."

Al-Suyûtî, qu'Allah lui fasse miséricorde, a dit dans son œuvre intitulée Tadrîb Al-Râwî fî Charh Taqrîb Al-Nawâwî : "Il est déconseillé de se contenter de prier pour qu’Allah fasse l’éloge du Prophète () ou de prier pour son seul salut. Ici comme partout ailleurs, où les salutations sur le Prophète sont prescrites, conformément au commentaire du recueil authentique de Mouslim entre autres, car Allah, exalté soit-Il, dit (sens du verset) : '[…] priez pour lui et appelez sur lui le salut !.' (Coran 33/56)"(…) "Il est déconseillé d'abréger la formule en la remplaçant par une ou deux lettres, à l'exemple de celui qui écrit 'saws' ; il faut écrire la formule tout entière." Fin du résumé de ses propos, qu'Allah lui fasse miséricorde.

Au vu de cela, mon conseil à tout musulman, tout lecteur et tout écrivain est de rechercher ce qu’il y a de meilleur, de chercher ce qui peut accroître sa récompense et sa rétribution et éviter ce qui peut annuler cette récompense ou la réduire.

Enfin, concernant les propos que vous avez rapportés de l'imam Ahmed, certains oulémas ont expliqué cela en disant qu’il s’en tenait strictement à ce qui était rapporté dans les narrations. Cependant, d'autres oulémas sont d'avis contraire et leur avis est prépondérant. Ibn al-Salâh a dit dans son livre intitulé Ma'rifa Anwâ` 'Ulûm al-Hadîth : La négligence de la mention de la formule d’eulogie pour le Prophète par Abû 'Abdillah Ahmad ibn Hanbal lorsqu'il le mentionnait par écrit est sans doute dû au fait qu'il était d'avis qu'il fallait strictement s'en tenir aux termes des hadiths, et qu’il en trouvait rarement la mention dans les écrits des rapporteurs qui l’avaient précédés.. Al-Khatîb Abu Bakr a dit : "On m'a rapporté qu'il prononçait oralement les prières pour le Prophète (), mais ne les écrivait pas." D'autres imams des premières générations l’on contredit à ce sujet.

Al-Suyûtî a dit : Lors de la mention du Prophète () il convient de prier pour lui oralement et par écrit en même temps. C'est-à-dire qu'il faut formuler les prières pour le Prophète () de manière complète tant oralement que par écrit, car il s'agit d'une invocation et non d'une parole que l'on rapporte, même si ce n'était pas la pratique de l'imam Ahmad, bien qu'il ait prononcé les salutations oralement et ne les ait pas écrites. En effet, de nombreux oulémas parmi les Anciens l’on contredit. Toutefois, Ibn Daqîq a rejoint l'avis de l'imam Ahmad et a dit : "Il faut s’en tenir aux textes et aux narrations et si la formule d’eulogie est mentionnée oralement sans qu'elles ne soient présente dans la source que l’on récite, il faut alors les accompagner d'un signe indiquant cet ajout comme en levant les yeux du texte avec l'intention d'exprimer le fait d’être le seul auteur de cette formule d’eulogie." (Tadrîb al-Râwî)

Et Allah sait mieux.

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