Les enfants musulmans peuvent-ils hériter du père mécréant
Fatwa No: 79350

Question

Mon père est mort en étant mécréant. Il a laissé deux veuves qui sont mécréantes comme lui. La première n'a pas d'enfants et la seconde qui est ma mère en a dix.
Dans la famille nous sommes 4 musulmans : Un petit frère âgé de 13 ans, deux sœurs âgées respectivement de 18 et 20 ans et moi. Je suis âgé de 27 ans, marié et père d'un petit enfant. Les six autres qui sont un garçon de 16 ans et cinq filles dont trois n'ont pas encore atteint l'âge de puberté ne sont pas musulmans.
Mon père a laissé deux maisons, un champ et sa pension retraite.
Mes questions sont les suivantes :
- Mes frères et sœurs musulmans peuvent-ils hériter de lui ?
- Comment pourrais-je effectuer le partage de son héritage ?
- Sachant que la sa pension retraite va diminuer après sa mort et qu'elle est versée en fonction des épouses et des enfants n'ayant pas atteint l'âge de la maturité, rentrera-t-elle dans l'héritage ?
- Dans le cas où les membres musulmans de la famille ne pourront pas bénéficier de l'héritage de leur père mécréant, pourrais-je demander aux autres de le partager avec eux ? (S'ils ne le font pas je respecterai leur décision).
- Quel est le statut de l'une de mes sœurs âgée de 9 ans qui a accepté suite à ma demande de se convertir à l'Islam et a commencé à faire la prière mais en retournant chez ses parents avant la mort de notre père elle l'a abandonné ?
- Si je prends en charge mes frères et sœurs pour les éduquer et pour qu'ils se convertissent à l'Islam, aurais-je le droit de puiser dans leur part pour la contribution au loyer et autres charges (nourriture, électricité…etc.…) ?
- Pourrais-je me donner un salaire en échange de tout ce que je fais pour eux? Bien entendu si je le fais c'est pour pouvoir m'occuper des autres au cas où ils n'auront pas droit à l'héritage.
- Si j'utilise leurs biens ou leurs argents dans la nécessité, serait-il un péché ?
- Pendant l'existence de mon père il existait une maison non achevée et il m'avait dit que lorsqu'il aura les moyens il l'achèvera pour moi. Est ce que cette maison rentre dans l'héritage ? Je dois préciser que je n'ai pas eu l'occasion d'y habiter plus de deux semaines et durant mon absence certains de mes frères l'ont occupé de même que mon père. Mais je pense que toute la famille sait qu'elle était destinée à moi. Est-ce que j'en suis le propriétaire? Est-ce que les veuves sont les propriétaires des maisons qu'elles occupent ?
- L'une de mes sœurs âgée de 25 ans a fait deux ans dans l'Islam puis elle l'a abandonné depuis 5ans. Comment dois-je la traiter ?
- Ma mère est très exigeante. Elle consomme beaucoup d'alcool, elle est irresponsable et il est très difficile de vivre avec elle. Si un partage est fait, je suis sûre qu'elle voudra avoir la part du lion.
- Vu les besoins des plus âgés de la famille (les mères et les grands enfants) Pourrais-je utiliser cet héritage afin de donner à chacun de l'argent en fonction de son besoin (sans donner une part explicite pour chacun).
- Est-ce qu'il est obligatoire pour les enfants de proclamer la profession de foi et de faire la grande purification (Le Ghousl) pour qu'ils soient musulmans. C'est ainsi que j'ai fais convertir mes sœurs à l'Islam (j'exige d'elles la pratique de la prière, l'étude de la religion et sa pratique afin qu'elles grandissent tout en ayant dans l'esprit qu'elles sont musulmanes).

Réponse

Louange à Allah. Paix et salut sur Son Prophète.

Cher frère,

L'avis de la majorité des Oulémas est que le musulman ne peut pas hériter de son parent mécréant et vice-versa et que cette interdiction est catégorique.

Ils avancent comme preuve le hadith rapporté par Boukhari selon lequel le Prophète, , a dit :  Le musulman et le mécréant n'héritent pas l'un de l’autre . Dans une autre version de ce hadith rapportée par Ahmed, Abou Dawoud et Tirmidhi :" Ceux qui appartiennent à deux religions différentes ne s'héritent pas les uns des autres."

De ce fait, vous et les autres membres musulmans de votre famille, vous n'êtes aucunement concerné par l'héritage de votre père mécréant qui revient aux héritiers qui sont de même religion que lui.

Si ses héritiers vous demandent de partager leur héritage entre eux, vous devez porter l'affaire devant le centre islamique le plus proche ou devant le tribunal islamique s'il existe. Ces derniers ont le choix entre le partage de cet héritage conformément aux lois de la Chariâ ou les soumettre aux gens ayant la même religion qu'eux (pour le faire). En effet Allah Le Très Haut dit :"[…]. S'ils viennent à toi, sois juge entre ou détourne toi d'eux. Et si tu te détournes d'eux, jamais ils ne pourront te faire aucun mal. Et si tu juges, alors juge entre eux en équité. Car Allah aime ceux qui juge équitablement." (Sourate 5/Verset 42). Mais de toute façon il est préférable de partager l'héritage entre eux conformément aux lois de la Charia plutôt que de les renvoyer aux gens de leur religion.

Sur ce point Al Kourtoubi (qu'Allah lui accorde Sa miséricorde) en commentant le verset précédant a dit :"Les Oulémas ont divergé sur la manière de juger entre les gens du Livre en pays d'Islam. Certains parmi eux trouvent que le  verset précédant  est sans équivoque et de ce fait le juge a le choix (de juger entre eux ou pas). C'est l'avis de certains exégètes du Coran parmi eux Nakhaï et Chaâbi c'est aussi celui des imams Malek et Chafiï parmi d'autre foukahas. Tandis que d'autres trouvent que le choix donné au juge dans le verset précédant est abrogé par ce verset :"Juge entre eux d'après ce qu'Allah a fait descendre […]"(Sourate 5/Verset 49). Ce dernier avis appartient à Omar Ibn Abd El Aziz, Ata' et Abou Hanifa."

L'imam Azzouhari a dit :"En se référant à la Sunna, les non-musulmans doivent être renvoyé dans leurs différends et le partage de leurs héritages à leurs religions sauf s'ils viennent de leur propre gré et nous demandent de juger ente eux à en ce moment nous devons le faire en utilisant comme référence le Livre d'Allah."

*La pension retraite a été prélevée sur les salaires de votre père durant toute sa vie de travail donc c'est un bien qui lui appartenait et après sa mort il revient à ses héritiers.

*Comme nous l'avons mentionné au début de cette Fetwa, vous n'avez aucune part dans l'héritage de votre père mécréant. Le fait de demander à ses héritiers leur accord pour le partager avec leurs frères et sœurs musulmans est déconseillé car le Prophète, , a dit :" Celui qui demande aux gens une chose alors qu'il a les moyens de s'en passer viendra le Jour de la Résurrection avec la chose qu'il a demandé marquée sur son visage (comme une plaie)." Rapporté par Nassai, Abou Dawoud et Tirmidhi.

*L'Islam de votre sÅ“ur n'est considéré que si elle s'est convertie après l'âge de la puberté. Si c'est le cas et qu'elle a arrêté de prier en niant l'obligation d la prière, les Oulémas sont unanimes sur sa mécréance. Cependant si elle ne nie pas son obligation (elle a arrêté la pratique de la prière par paraisse ou par négligence), ils ont divergé sur son sujet: Leur majorité pense que par cet acte elle ne sort pas de l'Islam tandis que certains pensent le contraire. Ces derniers avancent comme argument le hadith suivant:  Entre la foi et la mécréance se tient le renoncement à la prière, celui qui arrête de la pratiquer devient mécréant . Rapporté par Tirmidhi et Nassai.

*Tout d'abord sachez que la prise en charge de votre famille mécréante ou de certains de ses membres n'est pas une obligation à votre égard même s'ils sont dans le besoin car la prise en charge n'est pas obligatoire au musulman vis-à-vis d'une personne de sa famille qui ne l'est pas.

Partant de ce principe vous avez le droit de demander le paiement des dépenses faites pour eux (loyer, électricité, nourritures…). Vous avez même le droit de leurs demander de vous rembourser celles qui ont été faites dans le passé si en les faisant vous n'avez pas l'intention que c'était un don de votre part. Si c'est le cas il vous est illicite de revenir sur votre don. Car le Prophète, , a dit :  Seul le père à l'autorisation de revenir sur le don qu'il fait à son fils. Et celui qui revient sur son don ressemble au chien qui mange à sa faim, vomit ce qu'il a mangé puis mange son vomi.  Rapporté par Ahmed, Abou Dawoud et Nassai.

Certains Foukahas posent comme condition au remboursement des dépenses faites, le fait de faire part de son intention de se faire rembourser à des témoins. Pour les malékites en l'absence de témoins le serment suffit.  

*En ce qui concerne la maison construite par votre père avec l'intention de vous la donner, si vous avez pris possession de telle sorte que vous êtes devenu propriétaire et que vous pouvez en faire tout ce que le propriétaire a le droit de faire de ses biens elle vous appartient et ne rentre pas dans l'héritage. Nous signalons toutefois que le simple fait que vous l'avez habité un moment sans que votre père ne précise qu'il vous la donne ne la fait pas sortir de son héritage.

*Sachez que vous n'êtes pas le tuteur de vos frères mineurs qui ne son pas musulmans.

En effet comme le musulman ne peut pas être le Waliye d'une mécréante dans son mariage, pour les mêmes raisons il ne peut pas l'être dans ses biens matériels. D'ailleurs il est mentionné dans le livre Hachiyate Al Djamel qui est l'un des livres chafiites : " Le prépondérant est qu'il n'y a pas de différence entre la Wilaya (tutorat) des biens et celle du mariage. "

Partant de cet avis vous n'avez pas à gérer les biens appartenant aux membres de votre famille qui ne sont pas musulmans.

  

*Les charges de la Chariâ que ce soit la Chahada, le Ghousl ou autre ne concernant pas les enfants mineurs. Ainsi avant l'âge de la puberté on ne peut pas juger de l'Islam de ceux d'ente eux dont les pères ne sont pas musulmans.

Dans le livre Rawdh Ettaleb il est mentionné : l'Islam de la personne majeur est valable quand elle le prononce ou le fait comprendre par un signe dans le cas où elle est incapable de parler. Par contre celui du fou et de l'enfant qui n'a pas encore atteint l'âge de la puberté même s'il est responsable ne peut pas être attesté car à cet âge ses paroles n'expriment pas ce qui est dans son cœur d'où l'impossibilité d'être catégorique sur sa conversion à l'Islam.

*Toutefois le frère qui a posé la question est appelé à tenir compte de l'éducation islamique de ses petits frères et à leurs apprendre l'Islam afin qu'ils prononcent la Chahada dès qu'ils atteignent l'âge de maturité et deviennent par la suite de vrais musulmans. Ainsi ils seront dans la balance de ses bonnes Å“uvres. De même il doit faire de son mieux pour sauver toute sa famille de l'Enfer surtout sa mère, vu l'énorme droit qu'elle a sur lui, en les appelant à l'Islam par la sagesse et les bonnes manières et en mettant en pratique cette parole d'Allah :  Par la sagesse et les bonnes exhortations appelle (les gens) au sentier de ton Seigneur. Et discute avec eux de la meilleure façon  (Sourate 16/Verset 125)

Et celle de Son Prophète, :" Si Allah guide à l'Islam, grâce à toi, une seule personne est mieux pour toi que de posséder de belles chamelles rouges." Boukhari et Muslim.   

 

Et Allah sait mieux.

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