L’Aid Al-Adhaa à l’ombre du pèlerinage

09/10/2011| IslamWeb

« A chaque communauté, Nous avons assigné un rite sacrificiel, afin qu’ils prononcent le nom d’Allah sur la bête de cheptel qu’Il leur a attribuée […] » (Coran 22/34).

En Islam, il existe cinq occasions quotidiennes où le Musulman doit effectuer la prière, sauf lors de deux jours de son calendrier lunaire. Connues sous le nom de Aid Al-Fitr et Aid Al-Adhaa, ces deux journées se distinguent par une prière additionnelle après le lever du soleil, et sont considérées comme les deux journées les plus sacrées en Islam. L’esprit de ces deux journées est un acte cultuel particulier et la soumission à Allah, exalté soit-Il.
Les Musulmans du monde entier sont encouragés à sortir en grand nombre et à glorifier ensemble Allah, exalté soit-Il, dans leurs communautés respectives. Ces journées grandioses ne sont ni des jours d’amusement ou de dérision ; elles ne doivent pas non plus être modifiées d’aucune manière que ce soit. Leurs objectifs sont de nature profonde et sont intimement liés en tant que concepts et pratiques de l’Islam.
L’Aid Al-Fitr a lieu après la fin du jeûne du mois de Ramadan et son objectif est de louer Allah, exalté soit-Il, tout d’abord pour nous avoir offert la bonne orientation que l’on trouve dans le Coran ; deuxièmement pour nous avoir donné la force, l’occasion et l’inspiration de supporter la rigueur du jeûne, pour nous préparer à vivre une vie conformément aux critères du Coran (sens du verset) : « […] afin que vous en complétiez le nombre et que vous proclamiez la grandeur d’Allah pour vous avoir guidés, et afin que vous soyez reconnaissants ! » (Coran 2/185).
Le concept le plus suprême du Coran est celui de l’unicité divine d’Allah, exalté soit-Il, connue sous le nom de Tawhiid. Le système de l’Islam en entier est bâti sur cette conception d’Allah, exalté soit-Il, et c’est cela qui confère à l’Islam sa supériorité.
Par ailleurs, l'Aid Al-Adhaa a lieu le 10ème jour de Dhol-Hidjah (DH), événement confirmé par la vision de la lune. L’objectif de ce jour est essentiellement de reconnaître et d’honorer un homme qui, il y a de nombreux siècles, est devenu en pratique le symbole du Tawhiid. Allah, exalté soit-Il, a reconnu le Prophète Ibraahiim (Abraham), , comme une institution du Tawhiid et fait référence à lui comme une nation à lui seul en raison de sa soumission inchangée à son Créateur (sens du verset) : « Abraham était un guide (’Umma) parfait… » (Coran 16/120). Il était lui-même une ‘Ummah (NDT : le mot ‘Umma, traduit par guide ci-dessus, a aussi le sens communauté), car quand personne n’existait sur terre pour adorer Allah, exalté soit-Il, il était le seul à porter l’étendard de l’Islam.
Comme il persévéra incessamment dans la recherche de la Vérité à propos de cet univers et de son Créateur, il finit par atteindre l’inévitable conclusion que le seul Souverain est Celui qui a tout créé. Il déclara (sens du verset) : « Je tourne mon visage exclusivement vers Celui qui a créé (à partir du néant) les cieux et la terre…» (Coran 6/79). Cette approche pour atteindre Allah, exalté soit-Il, est exclusive à Abraham, , et c’est pour cette raison qu’il est considéré comme le fondateur de la religion monothéiste.
Bien qu’il soit alors bien établi, curieusement ses plus grands défis, pour montrer son dévouement absolu envers son Seigneur, n’avaient pas encore eu lieu. La liste des épreuves et des sacrifices auxquels Abraham, , fut sujet pour montrer sa loyauté envers son Maître, est longue. Cependant, dans la poursuite de sa mission, aucun sacrifice n’était trop grand pour être fait. Finalement, et ce fut sa plus grande épreuve, Allah, exalté soit-Il, lui ordonna de sacrifier son fils. Là encore il montra que rien ne pouvait être un obstacle entre lui et son Seigneur. Ce n’est que lorsqu’il passa toutes les épreuves et prouva qu’il était lui-même capable de prendre en charge la mission de guide, qu’il fut élevé à la position extraordinaire de leader moral de l’humanité  (sens du verset) :
« [Et rappelle-toi] quand ton Seigneur eut éprouvé Abraham par certains commandements, et qu’il les eut accomplis, le Seigneur lui dit : « Je vais faire de toi un exemple à suivre pour les gens» … » (Coran 2/124).
De plus, Allah, exalté soit-Il, lui promit (sens du verset) : «… Allah l’avait élu ... » (Coran 16/121).
L’une des faveurs dont Allah, exalté soit-Il, a doté Ibraahiim (Abraham), , est qu’Il a fait du 10ème jour de Dhol Hidjah le jour pour l’honorer en reconnaissance de son ultime manifestation de l’essence infinie du monothéisme et l’a nommé Aid Al-Adhaa, la fête du sacrifice. Il est évident que la meilleure manière d’honorer une personne est de revivifier l’objectif pour lequel elle a vécu et de démontrer l’esprit de sacrifice qu’elle a enduré pour sa cause. Par conséquent, tous les Musulmans de par le monde sont invités à se soumettre collectivement à Allah, exalté soit-Il, dans une prière en groupe particulière après le lever du soleil, et d’offrir les sacrifices de leurs bêtes comme marque de leur dévouement envers le Tout-Puissant.
Le prophète Mohammad () a insitutué l'Aid Al-Adhaa dans la Chari’a islamique juste après son émigration à Médine, et chaque année par la suite, il fêta ce jour le 10 DH, après l’observation de la lune, et immola son sacrifice après la prière. Abd Allah Ibn ‘Omar, qu'Allah soit satisfait de lui et de son père, a rapporté que : « Le Prophète () est resté à Médine pendant dix ans, et chaque année, il faisait un sacrifice » (At-Tirmidhi).
Dans un autre hadith, Anas Ibn Malik, qu'Allah soit satisfait de lui, raconte que le jour de l’Aid Al-Adhaa, le Prophète () a dit : « Celui qui immole sa bête avant la prière doit refaire son sacrifice… » (Boukhari).
Abou Horayra, qu'Allah soit satisfait de lui, a raconté que le Prophète () a dit : « Celui qui a les moyens et n’offre pas de sacrifice ne doit pas s’approcher de nos lieux de prière » (Ibn Maajah).
Les compagnons du Prophète () ont demandé : « Ô Messager d’Alah, quel est ce sacrifice ? ». Le Prophète () répondit : « C’est la sunna de votre père Abraham,  ».
Ce qui ressort clairement de ces hadiths c’est que :
Premièrement, le sacrifice de l’Aid Al-Adhaa que les Musulmans accomplissent partout dans le monde est lié au sacrifice d’Ibrahim (Abraham), , et non au pèlerinage, et il fut institué par le Prophète, , à Médine et non à la Mecque.
Deuxièmement, il n’y a pas de sacrifice avant la prière de l’Aid qui ne peut pas être effectuée avant le 10 DH, après avoir vu la lune.
Troisièmement, il est connu que le jour du sacrifice (10 DH) une telle prière, avant laquelle le sacrifice est interdit et après laquelle il est permis, n’est pas effectuée à la Mecque ; donc. il est certain que la déclaration du Prophète susmentionnée () n’a pas été faite à l’occasion du pèlerinage à la Mecque et qu’elle n’a pu être faite qu’à Médine.
Et quatrièmement, le Prophète () a fêté l’Aid Al-Adhaa à Médine pendant au moins sept années, alors que le pèlerinage n’avait pas encore été institué dans la Chari’a islamique et qu’il n’y avait pas de pèlerins à accueillir de leur retour de 'Arafat.
 Il est également prouvé que le fard (obligation) du pèlerinage a fait partie de la Chari’a islamique à partir de la neuvième année de l’hégire. Quoi que le pèlerinage ait toujours fait partie des traditions des arabes depuis l’époque d’Ibrahim (Abraham), , ils l’ont altéré de deux manières principales : d'une part, en remplaçant la conception du Tawhiid d’Abraham, , par l’idolâtrie de leurs propres rituels mécréants et, d'autre part, en pratiquant l’intercalation des mois dans leur calendrier pour qu’ils coïncident avec leurs besoins socio-économiques et politiques. Comme résultat de cette pratique, le pèlerinage était accompli une fois le jour désigné à cet effet, le vrai 9 DH, et après pendant les 33 années suivantes un jour prétendu fictivement être le 9 DH. Cependant, la neuvième année de l’hégire, l’Islam a interdit la fixation des dates, la considérant comme un acte des mécréants (sens du verset) : « Le report d’un mois sacré à un autre est un surcroît de mécréance… »  (Coran 9/37).
Il est impensable pour un Messager d’Allah qu’il reporte volontairement une obligation après qu’elle eut été décrétée. Cependant il est connu que le Prophète, , et sans aucune raison évidente, n’a pas accompli le pèlerinage l’année même où il a été décrété. Il est même resté à Médine et a fêté, à la place, l'Aid Al-Adhaa comme à son habitude. Cependant, l’année qui suivit (soit le 10 H), il entreprit le voyage vers la Mecque et accomplit son premier pèlerinage, qui s’avéra également être son dernier. Il participa à la journée de 'Arafat durant le vrai 9 DH et y fit allusion pendant son sermon d’adieu. Ceci explique également pourquoi il n’avait pas accompli son obligation l’année précédente. Il, Salla Allahou 'Alaihi wa Sallam, a dit : « Le temps est revenu à ce qu’il était quand Allah créa les cieux et la terre » (Boukhari).
C’est-à-dire qu’en 33 ans, le calendrier a subi une rotation complète et pour la première fois, le 9 DH fictif de la 10ème année de l’hégire a coïncidé avec le vrai 9 DH ; c’était un vendredi, soit la vraie date que le Prophète, , attendait pour accomplir son pèlerinage. De plus, il déclara à l’assemblée dans son dernier sermon :
« Ô vous les gens, les mécréants se sont permis d’altérer le calendrier afin de rendre permissible ce que Allah a interdit, et d’interdire ce qu’Il a permis. La manière selon laquelle le temps est considéré est toujours la même… Prenez garde à Satan pour le salut de votre religion… Je laisse derrière moi deux choses, le Coran et ma Sunna, et si vous les suivez, vous ne vous égarerez jamais … ».
La proximité des dates de ces deux événements indépendants, le pèlerinage et l’Aid Al-Adhaa, ne doit pas prêter à confusion ni poser de problèmes, car, de par leur conception, ils sont faits pour deux catégories différentes de la population musulmane. Un petit pourcentage (2-3 millions aujourd’hui) de chaque coin de la planète effectue un voyage pour accomplir le pèlerinage, en un lieu relativement petit et restreint (La Mecque). Les pèlerins sont des voyageurs et par conséquent ils sont exempts de l'Aid Al-Adhaa (la prière et le sacrifice). Une telle prière n’est pas effectuée par les pèlerins à la Mecque, et le sacrifice que le Prophète, , a mentionné comme étant : « La sunna de votre père Abraham » est hors de question.
D’un autre côté, L'Aid Al-Adhaa (une sunna) est pratiquée dans chaque coin du monde où il y a des Musulmans (environ 1,3 milliards, aujourd’hui) et ils accomplissent leur prière suivie du sacrifice. Ceux qui n’en ont pas les moyens en sont exempts. Il va s’en dire que les pèlerins offrent également un sacrifice à la fin de leur pèlerinage, mais il fait partie des exigences du pèlerinage et ne doit pas être confondu avec le sacrifice de l’Aid. Cependant, pour les pèlerins, la restriction de ‘après la prière’ n’existe pas, puisqu’une telle prière n’existe pas. De plus, contrairement au sacrifice de l’Aid, les pèlerins qui, financièrement, ne peuvent pas se permettre le sacrifice, doivent jeûner pendant dix jours (Cf. Coran 2/196). Par conséquent, ceux qui fêtent l’Aid ne sont pas des pèlerins et ceux qui le sont ne célèbrent pas l’Aid.
C’est ce que les Musulmans ont généralement compris et qu’ils pratiquent de manière unanime depuis environ 14 siècles. Si le mois de Dhol Hidjah commence, comme cela est exigé par la vue de la lune, le pèlerinage et l’Aid Al-Adhaa doivent avoir lieu lors de deux jours successifs, non pas parce qu’ils sont liés, mais à cause d’une chronologie historique en vertu de ce qu’a fait le Prophète (). C’est ce à quoi les gens sont habitués et ils le considèrent comme acquis, n’en connaissant cependant pas toujours la raison. Cependant, si le pèlerinage est annoncé en un jour non confirmé comme étant le 9 DH par la vue de la lune, alors l’Aid ne sera pas célébré le jour qui suit, car il ne s’agit pas de la fête du pèlerinage. Le Messager d’Allah () l’a appelé Aid Al-Adhaa (fête du sacrifice) et ce nom parle pour lui-même. Un exemple peut être utile : la prière de l’Asr (après-midi) et celle du Maghrib (coucher du soleil) sont deux prières indépendantes. Quand elles sont effectuées à leurs heures respectives, le Maghrib a lieu juste après le coucher du soleil et l'Asr est, par exemple, effectué deux heures et demi plus tôt. Alors, si quelqu’un accomplit la prière de l’Asr, intentionnellement ou involontairement, une demi-heure plus tôt, on ne peut pas dire pour autant que la prière du Maghrib doit toujours être accomplie avec le même intervalle de temps, puisqu’elle sera invalide avant le coucher du soleil. Les deux prières sont liées l’une à l’autre en ce qui concerne la durée de temps qui les sépare, uniquement si elles sont accomplies à leur moment déterminé.
La controverse relative à la fixation du jour de l’Aid Al-Adhaa est un phénomène récent et un facteur de division. Depuis plusieurs années, les Musulmans dans de nombreux coins du monde, plus particulièrement ceux vivant en Occident, sont confus et angoissés au sujet de ce qui ne devrait pas être à l’origine un problème si les règles données étaient appliquées. Il serait incorrect de spéculer sur les raisons de ceux qui s’activent à susciter un tel chaos parmi les masses musulmanes, plus particulièrement en une occasion conçue pour les encourager à être unifiés.
Néanmoins, deux stimulants de ce désarroi semblent être évidents. Les priorités de l’Islam politique ont pris le dessus sur les préceptes de la Chari’a ; et la plupart des Musulmans, en raison de leur indifférence grandissante envers leur religion, sont désireux de suivre innocemment tout ce qui leur est commode ou qui satisfait leurs passions.
L’unité est devenue un mot à la mode utilisé sans aucune circonspection pour obtenir le soutien de ses propres actions et faire taire n’importe quelle dissension, bien qu’Allah, exalté soit-Il, nous mette en garde  (sens du verset) : « … ne vous entraidez pas dans le péché et la transgression… » (Coran 5/2).
Il est regrettable de constater que l’unité bâtie sur une désobéissance envers les Lois divines est en fait une rébellion contre Allah, exalté soit-Il. Les gens ne devraient pas être confrontés au dilemme de choisir entre une unité incorrecte et une désunion correcte. Les deux sont des maux, bien que le second soit moindre. Si l’unité correcte est voulue, elle ne peut cependant être réalisée qu’en se conformant au conseil donné par le Prophète () dans son dernier sermon. Montrer de la solidarité envers les pèlerins est l’argument le plus faible qui puisse soutenir cette manière de penser qui n’a aucune valeur dans le Coran, la Sunna ou la jurisprudence. L'origine de l'incitation à rechercher la solidarité est inconnue. Introduire ce qui est étranger à l’Islam est une bid’a (innovation) et tout ce qui est contraire à la Loi révélée est du fisq (perversion). Certains peuvent être coupables des deux.
Même si l’intention est honorable, la solidarité deux fois par ans n’est pas la panacée des maux des Musulmans. Leurs problèmes sont beaucoup plus profonds et nécessitent des remèdes douloureux pour les remettre sur la bonne voie. Le seul remède est de se conformer à la Chari’a, mais il entraîne concrètement un changement complet de mode vie et de vision du monde. Cependant, du point de vue organisationnel, notre problème le plus profond est le manque de leadership dans chaque secteur de notre vie collective, et ce, à tous les niveaux, du local au mondial. Que ce soit dans le domaine politique ou religieux, à chaque niveau, tout est pollué par les crises de légitimité et de crédibilité, rendant le consensus général presque impossible sur presque tous les sujets.
De toute manière, il est imprudent d'espérer une attitude morale de la part du leadership politique ; cependant, ce qui est douloureux, c’est que même de nombreuses organisations religieuses ne sont pas, pratiquement, à la hauteur de leur détermination juridique dans les moments critiques, notamment lorsque les gens s’adressent à elles pour être guidés. Leur comportement contradictoire et vague ajouté à leur désir de popularité ont sévèrement endommagé leur mission et leur fiabilité. Elles dépassent même leur juridiction pour décider ce qui l’a déjà été. Dans le cas de la détermination de la journée de l’Aid Al-Adhaa, par exemple, leur rôle est supposé être simplement un rôle de facilitation, et non pas de prise de décision. Les instructions du Prophète () sont claires : «  Ne célébrez l’Aid que lorsque vous voyez le croissant de lune ». Dans ce contexte, la facilitation signifie simplement : évaluer et vérifier la crédibilité du témoin si quelqu’un déclare avoir vu la lune ; accepter le témoin s’il est crédible et corroboré par les données astronomiques ; sinon, le rejeter ; et si le cas se présente, le déclarer ; ceci étant un travail de fonctionnaire sous la supervision de quelques savants islamiques (pour l’authenticité) et point besoin d’une armée de juristes pour cela.
En conclusion, l’Aid Al-Fitr et l’Aid Al-Adhaa sont les journées les plus sacrées en Islam. De plus, le pèlerinage, un des piliers de l’Islam, est la manifestation la plus magnifique par les croyants de leur objectif commun. Son summum est atteint le 9 DH, confirmé par l’observation de la lune. Cependant, aucun lien n’existe, selon la Chari'a, entre l'Aid Al-Adhaa et le pèlerinage. Cette notion est plutôt contraire au Coran, à la Sunna et aux quatorze siècles de l’histoire des Musulmans. Célébrer l’Aid Al-Adhaa sous l’ombre du pèlerinage un autre jour que le 10 DH confirmé, équivaut à défier la Chari’a, marginaliser la signification de cette journée majestueusement sacrée et reléguer à l’arrière plan le guide moral de l’humanité.

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