Le groupe al-Higra wa-l-Takfîr (II)

05/02/2013| IslamWeb

Pensées et croyances de ce groupe :

Le concept de takfîr est l’élément fondamental sur lequel se fonde la pensée et les croyances de la Djamâ’a. Ainsi, les membres de cette dernière sortent de l’Islam tous ceux qui commettent des grands péchés et persistent à les commettre sans se repentir, de même qu’ils sortent de l’Islam de manière absolue et sans faire de détails les gouvernants qui n’appliquent pas les lois descendues par Allah, exalté soit-Il, et donc ils sortent de l’Islam également les gouvernés car ils acceptent les erreurs de leurs gouvernants ; quant aux oulémas, ils sont aussi considérés comme mécréants, car ils ne sortent pas de l’Islam ces gouvernants et ces gouvernés ; par ailleurs, les membres de la Djamâ’a sortent de l’Islam tous ceux qui refusent de rejoindre leurs rangs et de faire allégeance à leur chef ; de surcroît, selon leurs conceptions, ceux qui quittent leur organisation sont des apostats qui méritent la mort, de même que tous les groupes musulmans qui ont eu vent du message de la Djamâ’a mais ont refusé d’y adhérer sont considérés comme étant des mécréants.
Il faut également souligner que tous ceux qui suivent les paroles des savants, le consensus – quand bien même il s’agit du consensus des Compagnons du Prophète (), le raisonnement analogique (al-qiyâs), l’intérêt temporel ou absolu (al-maslaha al-mursala) ou encore le jugement préférentiel (al-istihsân) sont considérés par la Djamâ’a comme des associateurs mécréants. De même que selon les sectateurs de ce groupe tous les siècles de l’ère musulmane qui viennent après le quatrième siècle de l’Hégire sont vus comme des siècles de mécréance et identiques à l’époque préislamique (al-Djâhiliyya), car, toujours selon eux, ces siècles virent une sacralisation de l’imitation aveugle qui est adorée à la place d’Allah, exalté soit-Il ; par conséquent, le musulman se doit de connaître les règles juridiques avec leurs preuves et non imiter aveuglément quoi que ce soit dans le domaine de la religion ; ainsi ; pour eux, les paroles et les actes des Compagnons ne sont pas un argument quand bien même ils émanent des Califes Bien-guidés.

Le concept d’higra est le second élément, avec le takfîr, sur lequel la Djamâ’a base son idéologie. Le sens de ce concept est la séparation des « vrais » croyants du reste de la société qui vit comme dans la Djâhiliyya, selon les sectateurs de ce groupe, toutes les sociétés musulmanes actuelles sont comparables à la société arabe préislamique. Cette séparation est à la fois géographique et spirituelle, c’est-à-dire que les membres de la Djamâ’a cherchent à vivre dans un environnement où, selon eux, ils pourront vivre de manière authentique leur Islam comme le firent le Prophète () et ses nobles Compagnons lors de la période mecquoise. Selon ce concept, les musulmans se doivent, dans cette période de grande faiblesse que connaît la Oumma, de se séparer spirituellement des sociétés mécréantes afin de renforcer leur attachement à l’Islam, et ce, à la manière dont le préconise la Djamâ’a al-muslimîn – al-Higra wa-l-Takfîr ; par ailleurs, les musulmans doivent en même temps renoncer au gihad jusqu’à ce qu’ils acquièrent la force suffisante pour pouvoir le mener.

En outre, pour ces sectateurs, l’histoire musulmane n’a aucune valeur, car la vraie histoire est celle racontée dans le Saint Coran, notamment à travers les histoires des prophètes. De même que selon eux, la parole des grands savants ou bien les grands livres d’exégèse coranique ou d’explication du dogme n’ont à leurs yeux aucune valeur, car ils pensent que les grands savants d’hier et d’aujourd’hui sont des apostats qui ont renié l’Islam ! Ils disent qu’ils ne s’appuient que sur le Coran et la Sunna, mais ils le font à la manière des autres innovateurs qui établissent des croyances nouvelles qu’ils étayent avec des versets du Coran employés de manière abusive ou détournée, puis ils prennent dans la Sunna ce qui va dans le sens de leurs innovations et rejettent en rusant les preuves issues de cette même Sunna qui s’y opposent.
De manière absurde, les tenants de ce mouvement sectaire veulent pousser les gens vers l’analphabétisme, en fait cela vient d’une interprétation erronée du hadith « nous sommes une communauté analphabète… » ; ainsi, ils appellent les gens à délaisser les facultés et les jeunes à ne pas s’inscrire dans les universités ou les instituts – qu’ils soient islamiques ou non, car ils considèrent que ce sont des institutions du Satan considérées comme des mosquées du Désaccord (masâdjid al-dirâr). Ils sont persuadés en sus que le travail islamique qui tend à fait disparaître l’analphabétisme est un travail de juif dont le but est de détourner les gens de l’apprentissage de l’Islam par l’enseignement des sciences profanes, pour eux la seule et unique science acceptable est celle qui est enseignée dans leurs cercles et leurs cours.
Ils incitent à délaisser la prière du Djumu’a et la prière en commun dans les mosquées, car elles sont vues comme étant des mosquées du Désaccord et les imams qui y officient sont considérés comme des mécréants, seulement quatre mosquées échappent à cette sentence : la Mosquée du Harâm à La Mecque, la mosquée prophétique à Médine, la mosquée de Qubâ` et la mosquée al-Aqsâ à Jérusalem, mais il est à noter qu’ils prient dans ces quatre mosquées seulement si l’imam et l’un des leurs.
Ils prétendent que leur chef et émir Chukrî Mustafâ est en réalité le Mahdî, ils croient aussi qu’Allah, exalté soit-Il, va réaliser à travers leur Djamâ’a ce qu’il n’a pas réalisé à travers Mohammed (), c’est-à-dire la domination de l’Islam sur toutes les autres religions ; en fait, selon leurs visions farfelues, le vrai rôle de la Djamâ’a commencera après la destruction terrible que connaîtra la terre à cause de la grande guerre mondiale et nucléaire qui opposera les grandes nations, à l’issue de cette dernière, comme tout aura été détruit, les hommes seront contraints de se battre avec des armes blanches comme les épées, les lances ou les pics.
Les chefs de l’organisation prétendent en sus qu’ils ont atteint le degré correspondant à celui du Calife, qu’ils ont la capacité de produire al-idjtihâd al-mutlâq (c’est-à-dire qu’ils auraient la science suffisante pour pouvoir produire des avis juridiques qui leur sont propres en toute indépendance) et qu’ils doivent absolument se différencier du reste de la Oumma et aller à l’encontre de tout ce qu’elle a produit en termes de sciences religieuses dans le passé et à notre époque. Il faut souligner que le livre qui a le mieux mis en évidence les secrets et la réalité de leur idéologie et de leurs croyances est un ouvrage intitulé Mes souvenirs avec la Djamâ’a al-muslimîn, son auteur, ‘Abd al-Rahmân Abû al-Khayr, était membre de la Djamâ’a, mais il en est sorti et a produit ce témoignage.

Les origines de l’idéologie et des croyances de la Djamâ’a :

Cette idée du takfîr des musulmans (fait de les sortir de l’Islam) est une vieille idée qui puise ses racines dans l’histoire de la pensée islamique depuis l’époque de l’apparition des Kharidjites. Cette pensée empoisonnée a laissé des traces profondes dans de nombreuses générations de musulmans ; ce phénomène se réveille de manière cyclique pour diverses raisons, les oulémas les ont identifiées, en voici les principales :
- La diffusion de la corruption, de la perversion et de l’athéisme dans les sociétés islamiques sans que personne ne fasse quoi que ce soit pour changer les choses, ni les gouvernants ni les gouvernés, lesquels vivent généralement sous le joug de dictateurs tyranniques et sanguinaires à qui profitent cette décadence.
- La lutte sans pitié et violente des gouvernants musulmans contre les mouvements réformateurs islamiques et, conséquence de cette lutte, l’incarcération des leaders religieux musulmans et l’utilisation contre eux des pires moyens de torture, il n’est pas étonnant que souvent les tortionnaires prononcent des paroles de mécréances lors de ces séances de tortures dignes de l’inquisition médiévale.
- Apparition et diffusion de certains ouvrages islamiques écrits et édités dans ce contexte difficile et répressif, ces ouvrages comportent les germes de la pensée takfiriste, lesquels se sont développés en profondeur dans l’esprit des membres de la Djamâ’a et ont fait d’eux des êtres extrémistes et très violents.

Outre ce qui vient d’être dit, l’origine théologique du développement de la pensée takfiriste est avant tout à chercher dans les lacunes et erreurs de certains leaders des mouvements islamiques, et notamment une mauvaise compréhension de la religion, la tendance à avoir une lecture littéraliste des textes religieux, le fait de rendre tout illicite (même ce qui ne l’est pas), la confusion dans la compréhension de ces mêmes textes, la déliquescence du dogme et de l’école des gens de la Sunna, le fait de suivre les textes ambigus et de délaisser les textes clairs ou bien encore la connaissance très limitée de l’histoire, de la réalité, de la vie et de la voie des gens de la Sunna.

Les principaux lieux d’implantation de cette Djamâ’a :

Ce groupe takfiriste s’est implanté et diffusé dans la plupart des régions d’Egypte, et notamment dans la région de Sa’îd, mais on en trouve également des émanations dans divers pays arabes comme le Yémen, la Jordanie, l’Algérie, etc.


En résumé, nous pouvons dire que la Djamâ’a est un groupe religieux extrémiste qui a revivifié la pensée kharidjite en sortant de l’Islam : quiconque commet un grand péché et persiste à le commettre, les gouvernants musulmans sans faire de distinction car ils ne défendent pas la Loi d’Allah, les gouvernés musulmans car ils se soumettent passivement à leurs gouvernants « mécréants » ainsi que les oulémas qui refusent de sortir de l’Islam les catégories d’individus précitées ; par ailleurs, le second précepte idéologique essentiel de la Djamâ’a est la notion d’higra, c’est-à-dire le fait de se séparer physiquement et spirituellement des sociétés musulmanes qui sont toutes considérées par elle comme mécréantes, cela passe notamment par un boycott par les membres de la Djamâ’a des « temples de la Djâhiliyya » (c’est-à-dire les mosquées).

Tout ce qui vient d’être démontré met en évidence le fait que cette Djamâ’a est sur les questions de la foi et de la mécréance, entre autres, extrêmement éloignée de la Vérité, incarnée par la voie des gens de la Sunna.

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