La mosquée ‘Amrû ibn al-‘As ou le phare de l’Islam en Ifriqiya

11/01/2024| IslamWeb

Si vous voulez avoir l’impression de vivre au temps des conquêtes islamiques et vous imaginer le grand Compagnon ‘Amrû ibn al-Âs en train de conquérir l’Egypte et de la laver de ce qui restait de la présence byzantine ou bien si vous voulez prier dans une mosquée pour laquelle 80 Compagnons ont déterminé la direction de la qibla, alors nous vous conseillons vivement de vous rendre au Caire afin de prier dans la mosquée du Compagnon ‘Amrû ibn al-Âs. Celle-ci fut la première mosquée-université islamique fondée au Caire, en Egypte et même dans toute l’Ifriqiya ; c’est ainsi qu’en vous rendant dans ce lieu chargé d’histoire, vous ressentirez l’ambiance qui régnait lors des premiers siècles de l’empire islamique.

Il est impossible à l’historien ou au féru de l’histoire de la conquête islamique en Egypte en l’an 20 de l’Hégire (641 de l’ère chrétienne) de ne pas faire une halte dans cette ancienne mosquée dont la direction fut initiée par Ibn al-Âs, lequel suivait là une directive du Prince des croyants, ‘Umar ibn al-Khattâb (Radhia Allahou Anhou). Cette mosquée conserva sa superficie initiale jusqu’en 51 de l’Hégire (672), puis après cette date des travaux d’agrandissement furent effectués sous l’égide des souverains d’Egypte qui se succédèrent à la tête de cet Etat islamique, et ce, jusqu’à ce que sa superficie atteigne les 12 000 m2, notons qu’aujourd’hui la superficie de cet édifice est d’environ 13 550 m2.
De même que cette mosquée connut des travaux d’agrandissement et de réfection successifs, elle subit également hélas deux grands incendies. Le premier eut lieu en 275 de l’Hégire (888), et ce fut donc Ibn Ahmad Ibn Tûlûn qui se chargea de la reconstruire telle qu’elle était à l’origine. Quant au second incendie, il eut lieu en 564 de l’Hégire (1168), il fut une conséquence directe de l’immense incendie qui dévasta la ville de Fustât vers la fin du règne des califes fatimides sur l’Egypte, l’un des récits dit que le vizir Châwar, craignant de voir les Croisés s’emparer de Fustât, fit mettre lui-même le feu à la ville après avoir échoué à la défendre, et c’est donc suite à cet incendie que la mosquée d’al-Âs fut détruite ; soulignons que c’est Saladin (Salâh al-Dîn al-Ayyûbî) qui, après s’être emparé de l’Egypte, ordonna de rebâtir la mosquée à nouveau, et ce, en 568 de l’Hégire.

La mosquée d’origine avait l’aspect suivant : elle était rectangulaire ; son sol était recouvert de petits cailloux ; son toit était constitué de poutres faites de troncs de palmier enduis d’argile et recouvertes, en guise de tuiles, de branche de ce même arbre ; elle n’avait ni cour intérieure, ni mihrab et ni minaret, mais elle disposait quand même d’un minbar ; les murs extérieurs de la mosquée étaient faits de briques et ne comportaient aucune sorte de décorations ; la mosquée avait six portes, sur tous les côtés sauf sur celui de la qibla ; enfin, sa hauteur sous plafond était d’environ trois mètres comme dans la mosquée du Prophète ().
Il est à noter que ‘Amrû ibn al-Âs se construisit pour lui une maison sur le côté est de la mosquée, elle fut nommée la grande maison de ‘Amrû, au nord de celle-ci et toute proche d’elle fut construite la maison du fils de ‘Amrû, ‘Abdallah, celle-ci fut nommée la petite maison de ‘Amrû, enfin une troisième maison fut bâtie pour le Compagnon al-Zubayr ibn al-‘Awwâm.
Quant à l’aspect actuel de la mosquée, il peut être résumé ainsi : on trouve sur le côté est de l’entrée principale un bas-relief ; par ailleurs, la mosquée dispose d’une grande cour intérieure découverte entourée par quatre corridors couverts par un toit simple fait de bois, le plus grand de ces corridors est celui du côté de la qibla, ce dernier possèdent 21 arcatures sur le mur de la qibla, et chaque arcature se compose de six arches s’appuyant sur un pilier de marbre, et au centre du corridor de la qibla on trouve deux mihrabs concaves près desquels se trouve un minbar en bois, de même qu’il y a sur les murs de la qibla deux panneaux de bois datant de l’époque du chef mamlouk Mourad Bey (XVIIIe s. de l’ère chrétienne), dans le coin nord-est du corridor de la qibla se trouve une coupole dont on dit qu’elle remonte à l’époque de ‘Abdallah ibn ‘Amrû ibn al-Âs ; quant à la grande cour intérieure de la mosquée, elle dispose en son centre d’une coupole soutenue par huit piliers de marbre dont les chapiteaux ont été pris sur des constructions anciennes ; les façades extérieures de la mosquée sont surplombées par des créneaux pyramidaux ; la mosquée dispose en outre d’un minaret qui remonte à l’époque de Mourad Bey, celui-ci ne dispose que d’un seul degré et son sommet a une forme conique. Précisons enfin que malgré les nombreuses rénovations et modifications subies par cette mosquée au cours des siècles, cette dernière est toujours restée un lieu de prière pour les croyants, de plus ses murs continuent d’exhaler les odeurs du passé.

Un don illimité :

Depuis sa fondation et jusqu’à nos jours, nous pouvons affirmer que les activités de la mosquée ne furent jamais réduites qu’à l’accomplissement de la prière. En effet, ce lieu de culte servit aussi de tribunal dont la mission était de régler les litiges religieux et sociaux qui éclataient de temps à autre entre musulmans bien sûr mais également entre ces derniers et les pratiquants des autres religions vivant en Egypte ; par ailleurs, une sorte de banque (bayt al-mâl) dont la principale mission était de subvenir aux besoins des orphelins et des indigents se trouvait au sein de la mosquée ; on y trouvait également une école où étaient enseignées différentes sciences, mais surtout les sciences religieuses. Il est à noter que le rayonnement religieux de la mosquée s’est prolongé jusqu’à nos jours, c’est ainsi que chaque année lors du Ramadan elle est l’un des principaux endroits où se réunissent les gens pour prier la prière de tarâwîh, on peut sentir alors durant cette dernière l’odeur du passé qui se répand à l’intérieur et autour de la mosquée, cette odeur va jusqu’à la limite de l’église « suspendue » et de la synagogue qui sont toutes deux dans le voisinage de la mosquée, d’ailleurs ce quartier du vieux Caire a été surnommé « le rassemblement des religions » ; ainsi, ceux qui prient la prière de tarâwîh dans cette mosquée ressentent une atmosphère particulière, et c’est donc entre autres pour cette raison que les musulmans insistent beaucoup pour y accomplir leurs prières, et ce, bien qu’il faille se serrer étant donné le peu de place par rapport au nombre des priants.
Notons en sus que la mosquée dispose de classes où sont donnés des cours gratuits de soutien scolaire et d’une bibliothèque possédant d’innombrables sources et ouvrages religieux, de même qu’elle abrite en son sein des bureaux dédiés aux actions sociales qui se chargent de redistribuer l’argent de la Zakât et des dons, enfin la mosquée est bien évidemment aussi un lieu où des oulémas dispensent leurs enseignements, c’est le cas par exemple, entre bien d’autres, du docteur Ismâ’îl al-Daftâr, qui est en outre celui qui fait le prêche de la prière du vendredi dans cette mosquée.

Les grands oulémas :

La mosquée a accueilli en son sein les cours et leçons des plus grands oulémas de l’Islam, parmi ces derniers on trouve l’imam al-Châfi’î, l’imam al-Layth ibn Sa’d ou encore al-‘Izz ibn ‘Abd al-Salâm. Dans cette mosquée les Egyptiens, les Arabes ou encore les non-Arabes furent nombreux à embrasser l’Islam, car en effet les imams et prédicateurs qui se succédèrent dans ce lieu ne ménagèrent jamais leurs efforts quand il s’agissait de répandre le message de l’Islam ou de faire parler la langue arabe aux Egyptiens. Parmi les savants les plus connus qui montèrent sur le minbar de cette illustre mosquée à l’époque contemporaine on trouve le prédicateur islamique Cheikh Muhammad al-Ghazâlî, Cheikh Sayyid Sâbiq ou le docteur ‘Abd al-Sabûr Châhîn, qu’Allah leur fasse miséricorde, de même que le Cheikh Muhammad Djibrîl acquit sa large notoriété grâce à la prière du qiyâm qu’il dirigeait dans cette mosquée, et notamment lors des dix derniers jours du Ramadan, et ce, depuis dix années consécutives.

Une grande importance :

La haute importance de cette mosquée ne vient pas seulement du fait qu’elle fut la première mosquée construite en Egypte et même dans toute l’Ifriqiya, mais son importance est également due à l’attachement que le calife ‘Umar ibn al-Khattâb avait pour elle, ce dernier avait parfaitement compris que cette mosquée était nécessaire et essentielle pour les musulmans de cette contrée. Par ailleurs, il y a une autre raison pour laquelle les musulmans d’Egypte et des autre pays arabes ne peuvent être qu’attachés à cette mosquée, il s’agit du fait que selon Yazîd ibn Habîb environ 80 Compagnons du Prophète () ont participé à la détermination de la direction de la qibla de cette mosquée, tous avaient en outre participé à la conquête de l’Egypte, parmi eux on trouve al-Zubayr ibn al-‘Awwâm, ‘Ibâda ibn al-Sâmit, ‘Uqba ibn ‘Âmir, Râfi’ ibn Mâlik, Sa’d ibn Abî Waqqâs, Rabî’a ibn Churhabîl et bien d’autres Compagnons encore (Radhia Allahou Anhoum). Cette mosquée fut la quatrième mosquée de construite après l’avènement de l’Islam, les trois premières étant la mosquée de Médine puis celles de Bassora et de Koufa.
Pour finir rappelons qu’il existe une polémique autour de la présence ou non de la tombe de ‘Abdallah ibn ‘Amrû ibn al-Âs (Radhia Allahou Anhouma) au sein de la mosquée ; en fait, il semblerait qu’il soit difficile d’affirmer que sa tombe se trouve bien là étant donné que les historiens ont beaucoup divergé sur son lieu d’inhumation ainsi que sur la date de sa mort, c’est ainsi que l’existence de cette tombe dans ce lieu n’est rappelé par aucun historien des époques mamlouk et ottomane.

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