Le combat des Mamlouks contre les Mongols et les Croisés III

02/05/2014| IslamWeb

Après avoir présenté dans une première partie, constituée de deux articles et intitulée « La guerre contre les Mongols », les points suivants : les origines des Mongols, l’invasion mongole dans le Châm, la bataille de ‘Ayn Djâlût ainsi que les relations entre les Mongols et les Mamlouks en Perse, nous allons étudier dans cette seconde grande partie la fin de la présence des Croisés dans le Châm, lesquels étaient à cette époque avec les Mongols l’autre grand ennemi des Mamlouks. 


II- La fin de la présence croisée dans le Châm

Les conséquences de la septième expédition croisée en Orient :

Les Mamlouks sont apparus à une époque décisive de l’histoire de l’Orient musulman, ils étaient donc destinés à la fois à faire face au danger mongol venu d’Extrême-Orient et à poursuivre le combat contre les Croisés venus d’Occident initié par leurs prédécesseurs Zankides, dont le plus grand personnage est Nûl-dîn Zankî, et Ayyoubides, dont la figure tutélaire n’est autre que le grand Salâh al-dîn al-Ayyûbî ou Saladin.
Il est important de rappeler que les ambitions de domination des Croisés sur le Châm ne diminuèrent pas malgré les lourdes défaites qu’ils subirent de nombreuses fois face à des musulmans de plus en plus unis et forts, la dernière des grandes batailles qui fut un échec cuisant pour les Occidentaux fut la bataille de Mansoura, c’est donc les Mamlouks qui, parmi les musulmans, jouèrent le rôle le plus grand lors de cet affrontement décisif.
Il est à noter qu’à l’instar de l’autre grand ennemi des musulmans de cette époque, les Mongols, les Croisés avaient pour principal objectif de s’emparer de l’empire musulman afin d’en finir avec lui, c’est pourquoi par exemple Hulagu persécutait violement et sans pitié les musulmans alors qu’à l’inverse il traitait bien les chrétiens dans les pays qui étaient tombés sous sa coupe. Toutefois, si nous voulons approfondir la comparaison entre ces deux périls, nous trouvons que le danger croisé était plus destructeur, sa durée plus longue (environ deux siècles) et ses objectifs plus profonds et visant le long terme, car à la différence des Mongols ils avaient des prétentions religieuses et l’ambition de coloniser l’Orient ad vitam aeternam ; par ailleurs, les Croisés étaient soutenus par les puissances religieuses et politiques européennes comme bien entendu l’Eglise catholique, qui était à l’époque toute puissante, de plus de nombreux rois occidentaux donnèrent à ces expéditions et aux Etats latins implantés en Orient tous leurs moyens financiers ainsi que toutes leurs forces armées, certains d’entre eux n’hésitèrent pas à participer en personne à ces projets hégémoniques jusqu’à risquer leur propre vie.
Le premier grand chef croisé que l’Etat mamlouk naissant dut affronter fut le roi de France Louis IX, plus connu sous le nom de Saint Louis, ce dernier vint en Orient afin de l’envahir. Il participa à la bataille de Mansoura, il y perdit beaucoup d’hommes et il fut lui-même fait prisonnier par les musulmans, puis après avoir été relâché, il se dirigea avec le reste de ses forces armées en 1250 vers les côtes du Châm où il rejoignit les Croisés qui y étaient installés. Saint Louis passa avec ces derniers quatre années durant lesquelles il ne cessa d’essayer de concrétiser des victoires contre les musulmans et d’accumuler des richesses, et ce, afin d’effacer un peu l’humiliation de sa défaite à Mansoura et donc de pouvoir rentrer en France avec la tête haute ; notons que sa volonté de conquête était attisée par le fait qu’à l’époque d’al-Mu’izz Abeg les Mamlouks et les princes du Châm s’entredéchiraient. Et en effet Saint Louis sut profiter grandement de ces dissensions entre Syriens et Mamlouks, au point que chacun de ces deux camps voulut se rapprocher du roi français et avoir de bonnes relations avec lui, et c’est ainsi par exemple qu’al-Mu’izz Abeg fit libérer certains prisonniers croisés et fit parvenir à Saint Louis des cadeaux, et parallèlement al-Nâsir Yûsuf al-Ayyûbî, qui était alors le souverain du Châm, proposa à ce dernier une alliance et lui promit de lui remettre les clés de Jérusalem. Cependant, en fin politique pragmatique, Saint Louis choisit de s’allier à la partie la plus forte, c’est-à-dire les Mamlouks, il signa donc avec eux une trêve en échange de l’élargissement de tous les prisonniers croisés appartenant à l’armée du roi français qui croupissaient encore dans les geôles égyptiennes, et ce, en ne lui faisant payer que la moitié des rançons normalement demandées pour ces libérations.
Mais finalement les musulmans se rendirent compte de la gravité de s’allier avec leurs ennemis et c’est logiquement que la paix fut signée entre les Mamlouks et les princes ayyoubides grâce à l’entremise du calife abbasside al-Musta’sim. Naturellement Saint Louis, qui était à la recherche d’un nouvel allié, alla rendre visite aux Mongols, mais cela n’aboutit à rien de concluant et il fut donc contraint de rentrer en France en 1254.

La libération d’Antioche et d’une partie de la côte du Châm :

Baybars débuta son règne en menant plusieurs grandes actions, et ce, afin de consolider son pouvoir et de gagner le cœur des musulmans, il ambitionna donc avant tout de purifier le Châm des restes de la présence croisée. Parmi les grandes actions les plus importantes qu’il mena, il y a le fait qu’il ait réussi à contenir le danger mongol en stoppant avec succès les expéditions et raids de cet ennemi qui venaient d’Iraq et de Perse dans le Châm, et ce, en s’alliant avec les Fabgaq, lesquels étaient des Mongols qui s’étaient convertis à l’Islam.
Par ailleurs, Baybars contribua largement à réinstaurer le califat abbasside en Egypte en 1261, c’est-à-dire trois ans et demi après que ce dernier se fut écroulé à Bagdad ; il désigna alors comme calife l’un des fils de la dynastie des Abbassides, puis il le surnomma al-Mustansir billah, il fit inscrire son nom sur les pièces de monnaies et imposa aux imams qu’ils le citent sur les minbars en le louangeant. C’est ainsi que Baybars gagna en légitimité et obtint donc le soutien et le respect des masses musulmanes.
Après ces actions fort symboliques, Baybars entreprit un raid contre le plus grand bastion des Croisés de tout le Châm, il s’agit d’Antioche qui se trouve à l’extrême nord du pays et qui est en outre la deuxième principauté que les Latins fondèrent en Orient, lors de sa prise en 1098 les Croisés massacrèrent des dizaines de milliers de personnes. Il est à noter qu’à l’époque où Baybars ambitionne de s’en emparer, Antioche est commandée par le prince Bohémond VI qui est un allié et un soutien des Mongols.
Cette première expédition de Baybars contre Antioche n’était qu’une expédition punitive qui avait principalement pour but de tester l’étendue des forces occidentales présentes dans ces territoires. Puis l’année suivante, ce type d’expéditions contre Antioche se répétèrent, ces coups de boutoirs musulmans furent si puissants et si agressifs que les Croisés furent contraints de demander de l’aide au roi de la Petite Arménie ainsi qu’aux Mongols ; par ailleurs, les musulmans rentrèrent de ces raids avec beaucoup de butins et de prisonniers.
En 1265, Baybars lança une grande offensive contre les bastions septentrionaux croisés se trouvant sur la côte, laquelle poussa certains historiens à le surnommer le « second Saladin ». Baybars réussit à prendre la ville de Césarée dont il ordonna la destruction afin que les Croisés ne puissent pas s’y installer de nouveau. En 1266, Baybars envoya une expédition militaire en Petite Arménie afin de lui faire payer son soutien aux Croisés, les musulmans firent beaucoup de dégâts dans ce pays, tant matériels qu’humains, de même qu’ils remportèrent avec eux quelques prisonniers de haut rang, et notamment des princes ; par ailleurs, les musulmans incendièrent la capitale de ce petit Etat, puis ils rentrèrent victorieux chez eux.
Baybars sut en outre profiter des dissensions qui apparurent entre les divers princes croisés de la côte ; ainsi, le chef mamlouk attaqua Haïfa et certaines autres cités fortifiées durant l’année 1268. Baybars fit ensuite succéder ces raids par une nouvelle expédition contre Antioche dont il fit le siège, il empêcha en sus que des secours puissent y accéder, et ce, que ce soit par la terre ou par la mer, puis il réussit à l’investir et fit donc prisonniers tous les Croisés qui s’y trouvaient.

(À suivre).
 

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