Jeter ou consommer de la viande à la licéité douteuse ?

24-2-2016 | IslamWeb

Question:

Salam alaykoum,
Je vous avais posé une question concernant des cuisses de poulet estampillées halal de 20 kilos que mon père avait achetées, en vous expliquant qu'il y avait un fort doute sur la licéité de cette viande car la société qui la fournit a recours à l'électrocution des bêtes avant de les égorger. Vous m'avez répondu par mail en me redirigeant vers une fatwa déjà présente sur votre site, sauf qu'elle ne répond absolument pas à mes interrogations.
En fait ce que je voulais surtout savoir c'est : que dois-je faire de cette viande ? Tout jeter, ou bien la donner à un non-musulman ? Dois-je jeter à la poubelle ces 20 kilos de poulet, sachant que des millions de gens dans le monde meurent de faim ? Ne serait-ce pas du gaspillage d'un point de vue islamique ?

Réponse:

Louange à Allah et que la paix et la bénédiction soient sur Son Prophète et Messager, Mohammed, ainsi que sur sa famille et ses Compagnons :

Si la société électrocute les bêtes avant de les égorger, comme vous l'avez mentionné, la situation est l'une des deux suivantes :

La première : vous savez avec certitude que les bêtes sont égorgées selon le rite islamique avant de mourir et que cet égorgement est pratiqué par quelqu'un autorisé à le faire : musulmans ou appartenant aux gens du Livre (juifs ou chrétiens). Dans ce cas, il vous est permis de consommer cette viande, car Allah, exalté soit-Il, dit (sens du verset) : « [...] sauf celle que vous égorgez avant qu'elle ne soit morte [...] » (Coran 5/3) Allah, exalté soit-Il, fit donc une exception et rendit licite la consommation de la bête étranglée et autre qui est égorgée avant de mourir.

La deuxième : vous ne savez pas si les bêtes sont égorgées avant de mourir ou si elles meurent puis sont égorgées. Vous ignorez donc la réalité de la chose ou avez des doutes à son sujet. Il en va de même si vous ignorez si la personne qui pratique l'égorgement fait partie de ceux autorisés à le faire : musulmans ou appartenant aux gens du Livre ou pas. Dans ce cas, il y a divergence entre les savants sur la question. Le cheikh Sâlih al-Fawzân dit dans l'une de ses études intitulée al-Dhakât al-Cha'iyya wa Ahkâmuhâ publiée dans le Journal des études islamiques à propos des viandes provenant de bêtes dont on ignore la manière dont elles ont été égorgées et pour lesquelles il existe un fort doute qu'elles n'aient pas été égorgées en respectant la Charia :

« Les savants contemporains divergèrent en deux avis à ce propos :

Le premier avis est que ces viandes sont licites en se basant sur le noble verset (sens du verset) : "[...] Vous est permise la nourriture des gens du Livre [...]" (Coran 5/5)

En effet, la règle de base est de considérer les viandes de ces bêtes comme licites sauf si l'on sait que ces dernières n'ont pas été égorgées en respectant les règles de la Charia.

Le deuxième avis est que ces viandes sont illicites, car la règle de base concernant les animaux est qu'ils sont illicites. Il n'est donc pas permis d'en consommer la viande sauf pour ceux pour lesquels on a la certitude qu'ils ont été égorgés en respectant la Charia et dont la viande devient alors licite. Or, il existe un doute quant au respect de la Charia lors de l'égorgement de ces bêtes et leur viande reste donc illicite... »

Le Conseil européen d'études et des fatwas, dirigé par le Dr. al-Qardâwî, a débattu de cette question et en est arrivé - après discussions, études de terrain et analyses des moyens d'égorgement utilisés dans les pays occidentaux - à la conclusion que les poulets et les vaches ne sont pas égorgés en respectant la Charia et qu'il n'est donc pas permis d'en consommer.

Quant aux jeunes moutons et veaux, ils sont égorgés d'une manière qui n'est pas contraire à la Charia islamique, et sont licites à la consommation.

Voici le texte du rapport du Conseil européen d'études et des fatwas : « Le Conseil a longuement discuté de ce sujet important qui a suscité beaucoup de controverses et de divergences à propos de sa légitimité et en a conclu qu'il était nécessaire pour les musulmans de respecter les conditions de la Charia islamique à propos de l'égorgement, et cela, dans le but de satisfaire Allah, de préserver leur identité religieuse, compte tenu des risques auxquels cette dernière est exposée et afin d'éviter de consommer toute chose illicite.

Ensuite, après avoir examiné les méthodes d'abattage utilisées et ce qu'elles contiennent comme nombreuses violations des règles islamiques entraînant la mort d'un nombre conséquent d'animaux et en particulier en ce qui concerne la volaille, le Conseil a décidé qu'il était illicite de consommer de la viande de poulet et de vache contrairement à celle des jeunes moutons et veaux, car la manière dont ils sont égorgés n'est pas contraire, dans certains pays, aux conditions d'égorgement de la Charia ».

En conclusion, l'avis qui permet la consommation de viandes importées de pays des gens du Livre en cas de suspicion est celui de savants reconnus et l'avis le plus souple et le moins embarrassant pour les gens. Quant à l'avis qui rend la consommation de ces viandes illicites, il évite toute suspicion, est plus sûr pour préserver sa religion et avoir la conscience tranquille, car celui qui délaisse une chose pour Allah, exalté soit-Il, verra Allah la lui remplacer par quelque chose de meilleur encore. Or, chacun connaît le danger de se nourrir ou de nourrir sa famille avec ce qui est illicite et le simple fait que cela empêche de voir ses invocations exaucées suffit.

Quant au fait de se débarrasser de nourritures illicites ou nuisibles, cela n'est pas considéré comme du gaspillage et c'est même une obligation. En effet, le Prophète () ordonna que l'on se débarrasse de l'alcool lorsque celui-ci fut rendu illicite et parmi celui-ci figurait l'alcool destiné à des orphelins, comme on le sait. Et lorsque la licéité d'une chose disparaît, son caractère sacré disparaît également.

Enfin, concernant la personne en situation de contrainte, elle ne peut manger de la viande d'un animal mort que si elle ne trouve rien d'autre à manger et si sa survie en dépend.

Et Allah sait mieux.

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