Sens du hadith qui dit que le butin pris par voie de pillage n’est pas plus licite que la bête morte et jugement concernant la consommation de viande pillée

2-12-2025 | IslamWeb

Question:

Quel est le sens du hadith : « …En vérité, le nuhba (le bien pillé) n’est pas plus licite que la bête morte, et la bête morte n’est pas plus licite que le nuhba » ?
Cela signifie-t-il que la viande prise par voie de pillage est interdite comme la bête morte, même si elle n’est pas une bête morte ?

Réponse:

Louange à Allah et que la paix et la bénédiction soient sur Son Prophète et Messager, Mohammed, ainsi que sur sa famille et ses Compagnons :


Ce hadith a été rapporté par Abû Dâwûd dans ses Sunan, d’après ‘Āṣim ibn Kulayb, d’après son père, d’après un homme des Ansâr qui dit :
« Nous étions sortis en voyage avec le Messager d’Allah (). Les gens furent atteints d’une grande nécessité et d’une intense fatigue. Ils trouvèrent alors des moutons et les pillèrent. Nos marmites étaient en train de bouillir quand le Messager d’Allah () arriva en marchant en s’appuyant sur son arc. Il renversa nos marmites avec son arc, puis se mit à recouvrir la viande de poussière, et dit : « En vérité, le butin pris par voie de pillage n’est pas plus licite que la bête morte » ou bien : « La bête morte n’est pas plus licite que le butin pillé ». »
Ibn Ḥajar dit dans Fatḥ al-Bârî : « L’isnâd est bon, et le fait de ne pas nommer le Compagnon ne nuit pas au hadith. Les narrateurs de la chaîne répondent aux conditions d’authenticité fixées par Mouslim. » Fin de citation.
L’origine de ce récit se trouve également dans Ṣaḥîḥ al-Boukhârî d’après ‘Ubâya ibn Rifâ‘a ibn Râfi‘ ibn Khadîj, d’après son grand-père…
Le terme nuhba dans le hadith désigne : le fait de s’emparer d’une part du butin avant sa répartition légale.
Al-Sahâranfûrî dit dans Badhl al-Majhûd : « Ils pillèrent les moutons, c’est-à-dire : ils les prirent avant la répartition. » Fin de citation.
Al-Khattâbî dit dans Ma‘âlim al-Sunan :
« Le pillage a été interdit, car celui qui pille prend selon sa force et non selon son droit, ce qui fait que certains prennent plus que leur part, tandis que d’autres sont lésés. Les combattants ont des parts déterminées : deux parts pour le cavalier et une part pour le fantassin. Lorsque le butin est pillé, la répartition est annulée et l’équité disparaît. » Fin de citation.
Le hadith prouve donc l’interdiction de piller une part du butin, ce qui ne pose aucun problème. Mais la question est : la bête pillée, après avoir été abattée, devient-elle comme la bête morte ?
Ibn Hazm l’a affirmé en se fondant sur le sens apparent du hadith. Après l’avoir mentionné, il dit :
« Ce même récit montre sans ambiguïté que le Prophète () a rendu impropre à la consommation la viande pillée avant répartition, en la mélangeant à la poussière. Il est donc certain qu’elle est totalement illicite, car s’il était permis de la consommer, il ne l’aurait pas rendue impropre. » Fin de citation.
Cependant, la majorité des juristes considèrent que l’animal abattu sans l’autorisation de son propriétaire (comme dans le cas du vol ou de l’usurpation) n’est pas assimilé à la bête morte. Le hadith est donc compris, chez eux, comme un propos d’avertissement et d’exagération dans la réprobation, et non selon son sens littéral.
Ils s’appuient notamment sur le hadith rapporté par al-Boukhârî, d’après Nâfi‘, d’après un homme des Ansâr, d’après Mu‘âdh ibn Sa‘d — ou Sa‘d ibn Mu‘âdh — qui lui a rapporté :
Une servante de Ka‘b ibn Mâlik gardait ses moutons à Sal‘, lorsqu’une brebis fut blessée. Elle la rattrapa et l'égorgea avec une pierre. On interrogea le Prophète (), et il dit : « Mangez-la. »
Ibn ‘Abd al-Barr dit dans al-Tamhîd :
« Un groupe de savants s’est appuyé sur ce hadith pour affirmer ce qu’ont soutenu les juristes des villes — Malik, Abû Hanîfa, al-Shâfi‘î, al-Awzâ‘î et al-Thawrî — à savoir qu’il est permis de consommer ce qui a été abattu sans l’autorisation de son propriétaire. Ils ont répondu ainsi à ceux qui interdisent la consommation de l’animal abattu par un voleur — comme Dâwûd, Isḥâq et avant eux ‘Ikrima. Cet avis est isolé et n’a pas été adopté par les juristes des grandes écoles. » Fin de citation.
Al-San‘ânî dit dans Subul al-Salâm :
« Quant au hadith du livre, selon lequel il a été ordonné de manger ce qui a été abattu sans l’autorisation de son propriétaire, il ne contredit pas les tenants de l’apparence, car ils disent que ce type d’abattage est permis par crainte que l’animal ne meure, ou pour une raison similaire. » Fin de citation.
Ibn al-Mulqin rapporte dans al-I‘lâm bi-Fawâ’id ‘Umdat al-Aḥkâm une divergence concernant la raison pour laquelle les marmites furent renversées. Il dit que l’explication la plus juste est :
« Ils étaient entrés dans une zone d’Islam où il n’est pas permis de consommer ce qui provient du butin commun avant la répartition… »
Al-Qâdî ‘Iyâd dit :
« Cela peut également être dû au fait qu’ils avaient pillé ces bêtes sans mesure et sans tenir compte de la nécessité… »
Il ajoute :
« Le Prophète () a ordonné de renverser la viande et de la recouvrir de poussière parce que cela constitue un avertissement beaucoup plus fort. S’il avait simplement renvoyé les bêtes au butin, l’effet dissuasif aurait été faible, car la part de chacun est minime. Les priver de la viande dont ils avaient envie était un moyen de dissuasion beaucoup plus puissant. » Fin de citation.
Ibn ‘Uthaymîn dit dans Ahkâm al-Udhiya wa-al-Dhakâh :
« La majorité (les juristes majoritaires) répond que les marmites ont été renversées par manière de punition et d’insistance dans l’avertissement, ce qui est une réponse forte. Mais cela reste en apparence contredit par la parole du Prophète () : « Le butin pillé n’est pas plus licite que la bête morte. »
À moins qu’on ne dise que l’intention est d’expliquer le statut du pillage en soi : celui qui s’empare d’un bien sans droit commet une interdiction semblable à celle de consommer une bête morte, même si l’abattage de l’animal pillé — en soi — ne le rend pas équivalent à la bête morte. » Fin de citation.


Et Allah sait mieux.

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