Les objectifs de la sourate Al-Mumtahana
La sourate Al-Mumtahana – L’éprouvée – occupe la 60e place dans l’ordre de compilation du Coran établi par le calife ‘Uthmân ibn ‘Affân, et la 92e dans l’ordre chronologique de la révélation. Elle a été révélée après la sourate Al-Mâ’ida ( La Table servie ) et avant la sourate An-Nisâ’ ( Les Femmes ). Il s’agit, de l’avis unanime des savants, d’une sourate médinoise, révélée après l’Hégire. Elle se compose de treize versets relativement longs, et fait partie des trois sourates qui commencent par l’appel solennel : Ô vous qui avez cru ! , aux côtés de Al-Mâ’ida et Al-Hujurât.
Dans les ouvrages d’exégèse, les recueils de hadiths ainsi que dans les copies manuscrites du Coran, elle est couramment désignée sous le nom de Al-Mumtahana. L’imam Al-Qurtubî précise que le nom le plus connu est Al-Mumtahina (celle qui éprouve), ce sur quoi insiste également Al-Suhaylî. Toutefois, une autre appellation – Al-Mumtahana (l’éprouvée) – a également été rapportée. Ibn Hajar explique que cette dénomination est bien connue et renvoie à une femme ayant subi l’épreuve de la foi : Umm Kulthûm bint ‘Uqba ibn Abî Mu‘ît, épouse d’Abd al-Rahmân ibn ‘Awf, première femme à avoir fui la Mecque pour sa foi.
Dans son ouvrage Al-Itqân, As-Suyûtî mentionne que cette sourate est aussi appelée Sourate Al-Mawadda ( L’affection ), en se référant à l’œuvre Jamâl al-Qurrâ d’Ali As-Sakhâwî, bien qu’il n’en transmette pas la chaîne de narration.
L’origine de cette appellation
L’un des versets de cette sourate évoque spécifiquement les femmes dont la foi a été mise à l’épreuve lors de leur émigration de la Mecque vers Médine. Il s’agit du verset suivant :
Ô vous qui avez cru ! Lorsque des croyantes viennent à vous en émigrées, éprouvez leur foi – Allah connaît mieux la réalité de leur foi –. Si vous constatez qu’elles sont croyantes, ne les renvoyez pas aux mécréants ; elles ne leur sont plus licites, ni eux ne leur sont licites. Mais restituez à leurs maris les dots qu’ils avaient versées. Il n’y a aucun mal à ce que vous les épousiez si vous leur donnez leur dot. Et ne restez pas liés par des contrats matrimoniaux avec les femmes mécréantes. (Coran 60/10)
C’est en référence à ce verset qu’on a nommé cette sourate l’épreuve (Al-Mumtahana), car il établit une règle d’épreuve de foi. Al-Suhaylî note que cette désignation constitue une forme stylistique fréquente dans les titres de sourates, à l’image de Al-Anfâl aussi appelée Al-Fâdiha ( Celle qui dévoile [les hypocrites] ).
Le contexte de la révélation
Les savants s’accordent à dire que cette sourate fut révélée en rapport avec l’affaire de la lettre que Hâtib ibn Abî Balta‘a adressa secrètement aux polythéistes de La Mecque. Dans son Sahîh, l’imam Al-Bukhârî rapporte dans le chapitre du Tafsîr que ‘Amr ibn Dînâr – un des transmetteurs – a affirmé que le verset :
Ô vous qui avez cru ! Ne prenez pas Mes ennemis et les vôtres pour alliés… fut révélé au sujet de Hâtib. Al-Bukhârî ajoute qu’il ignore si ces propos sont intégrés au hadith ou constituent un commentaire personnel de ‘Amr. Il relate également qu’on demanda à Sufyân ibn ‘Uyayna si ce verset concernait bien Hâtib, ce à quoi il répondit : C’est ce que disent les gens. Pour ma part, je le tiens textuellement de ‘Amr, sans y avoir omis une lettre, et je ne sais si quelqu’un d’autre l’a entendu comme moi.
Selon Ibn ‘Atiyya, la sourate fut révélée la sixième année de l’Hégire, et la majorité des biographes et exégètes affirment qu’elle fait référence à la lettre de Hâtib à l’approche de la conquête de La Mecque. Al-Bukhârî lui-même la classe ainsi dans son chapitre consacré aux expéditions militaires.
Le lien avec la sourate précédente
La sourate Al-Mumtahana prolonge le message de la sourate précédente, Al-Hashr ( L’exil ). Al-Hashr décrit la perfidie des hypocrites et leur alliance avec les Juifs et les mécréants. Al-Mumtahana vient confirmer cet enseignement en interdisant aux croyants de lier des alliances avec les ennemis d’Allah. Elle agit donc comme un complément doctrinal, bien qu’elle ne commence pas, contrairement à d’autres, par une glorification directe d’Allah, elle s’inscrit néanmoins dans le groupe des sourates qui magnifient Sa pureté.
Les principaux objectifs de la sourate Al-Mumtahana
Interdiction d’alliance avec les ennemis d’AllahLa sourate débute par une interdiction formelle adressée aux croyants : ne pas prendre pour alliés les ennemis d’Allah, ceux qui ont rejeté la foi, combattu la religion et chassé les croyants de leurs foyers. Mise en garde contre la naïveté envers les ennemis
Elle enseigne que ces ennemis n’ont aucun bien à offrir aux croyants, qu’ils ne manifestent d’amabilité qu’en cas de faiblesse apparente ou dans le but de tromper. S’ils en ont la possibilité, ils nuiront aux croyants et chercheront à les faire apostasier. La foi prime sur les liens du sang
La sourate souligne que les liens familiaux, aussi forts soient-ils, ne prévaudront pas au Jour de la Résurrection si l’un est croyant et l’autre mécréant. Ce jour-là, chaque âme sera seule face à ses actes. Rupture religieuse au sein même de la famille
La différence de religion impose une rupture dans les relations, même entre proches parents. Le récit d’Ibrâhîm (paix sur lui) et de son désaveu envers son peuple et son père est cité en exemple à suivre. Tolérance envers les non-hostiles
Une exception est prévue pour les non-musulmans qui ne combattent pas les croyants ni ne les expulsent : ceux-là peuvent être traités avec bonté et équité. L’interdiction ne vise que ceux qui persistent dans l’hostilité religieuse. Épreuve de foi des femmes émigrantes
La sourate évoque les croyantes venues de La Mecque à Médine pour leur foi. Elles doivent être éprouvées afin de s’assurer de leur sincérité, puis intégrées à la société musulmane. Il est prescrit de ne pas les renvoyer aux polythéistes et de restituer aux maris mécréants les dots précédemment versées. Allégeance des femmes croyantes
Elle mentionne l’allégeance que les femmes accordèrent au Prophète ﷺ, instituée par cette sourate. Elle établit également l’interdiction pour un homme musulman d’épouser une polythéiste. Clôture sur l’interdiction de l’alliance avec les ennemis d’Allah
La sourate se conclut comme elle a commencé : par la défense formelle de s’allier à ceux qui ont mérité la colère divine. Ces derniers, désespérant du pardon divin, n’espèrent plus rien de la religion.