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Cas de fuites au travers de l’Histoire

Cas de fuites au travers de l’Histoire

Généralement ce sont les faibles, les pauvres et les nécessiteux qui prennent la fuite, mais cela peut, lorsque les évènements prennent une tournure inattendue, arriver aux grands, aux notables, aux grandes personnalités et aux chefs d'Etat. Il est vrai aussi que, tout compte fait, tout dépend du plan et de la volonté d’Allah qui élève qui Il veut, humilie qui Il veut. Il possède tout et est capable de tout. Tout Lui appartient, exalté soit-Il. Rien, pratiquement, rien n'échappe à Son contrôle, tant Sa volonté prévaut sur tout.
Dans son livre Les Fusils des Ayatollahs, l’écrivain Mohammed Hasanein Heykal a écrit qu'après la révolution, le Shah d'Iran a fui vers plusieurs pays où, à chaque fois, il ne fut pas le bienvenu. L’une de ses escales fut au Panama où, lui et sa famille, furent non seulement très mal reçus, mais également sommés de quitter le pays. Inquiète, son épouse Farah Diba dut alors prendre contact avec l'Aga Khan, alors président du Haut-Commissariat pour les Réfugiés des Nations Unies, pour le prier de faire l'impossible pour fournir des passeports au Shah et à sa famille afin qu'ils puissent se déplacer librement. Alors que la réponse tardait à venir et que la date de la fin de leur séjour au Panama s'approchait, elle lui téléphona de nouveau tard dans la nuit, pleurant et implorant en lui disant : "Nous sommes à bout de patience, nous avons grand besoin de n'importe quel papier qui nous permettra de sortir du Panama, même celui de réfugiés». Personne n'imaginait qu'un jour viendrait où l’impératrice de la Perse qui portait sur sa tête une couronne comportant le plus grand joyau jamais découvert par l'homme arriverait à une situation où elle demanderait qu’on lui fasse des papiers pour réfugiés. Mais le Shah n'a pas été le seul à ne pouvoir trouver un lieu d'accueil pour s'y refugier après sa fuite ni Ben Ali le dernier à fuir de son peuple. La liste de ces fugitifs est longue.
Apparemment les tyrans ne lisent pas bien l'histoire et n'ont pas d'intuition pour anticiper l'effervescence des peuples. Sinon comment se fait-il qu’ils empruntent le même chemin déjà emprunté par leurs prédécesseurs et pourquoi répètent-ils leur expérience ? L’ «industrie» de la tyrannie n'a pas cessé, depuis Pharaon et Haman, de tourner à plein régime et ne s'arrêtera pas avec Ben Ali, ni, non plus, avec ceux qui viendront après lui. Mais qu’est-ce qui «fabrique» le tyran ?
Les expériences de la fuite des dictateurs indiquent que la tyrannie ne se maintient pas par la force du dictateur ou de celle de sa tyrannie, mais à cause de la faiblesse, de la peur et du manque d'audace du peuple qu’on ne cesse de harceler, de terroriser et d'intimider comme ce fut le cas avec l'expérience d'évasion de Ben Ali qui a dominé sans partage la Tunisie non pas par sa force, mais par la généralisation de la «culture de la terreur» parmi le peuple et par la priorité qu'il a accordée aux problèmes de sécurité au dépend de la justice et de la liberté. En fait, il n’est pas le seul à agir ainsi, car c’est une situation qu’on rencontre dans la plupart des sociétés où tout est source de peur, où les conditions de sécurité s’imposent à l’individu, où les chuchotements se répandent entre les gens pour dire et faire croire que tout est sous la surveillance et contrôlé par les services de sécurité.
Ainsi, les téléphones sont sous contrôle tout comme les e-mails personnels, l'Internet, les communications, la maison, la voiture, le bureau et le lieu de travail. Bref, toute la vie quotidienne de l'individu est contrôlée par les services de sécurité afin que la culture de la peur domine partout et pour que toute personne qui ose penser ou rêver de ce que le tyran ne veut pas le fera à ses risques et périls. Tout le monde sera obligé de vivre dans une terreur qui musèlera leurs bouches pour ne pas discuter des questions les plus fondamentales de la société, même s’il s’agit de la «hausse des accidents de la circulation» parce que le tyran peut y voir un défi à son régime qui, dans ce cas, n’a pas pu réduire le taux d'accidents.
Parmi les éléments qui favorisent l’industrie de la tyrannie il y a le fait que le tyran se fasse entouré de ses parents et ceux qui lui sont loyaux. Il leur confie les responsabilités et les hautes fonctions même s'il y en a qui ne peuvent même pas gérer une «épicerie» dans un petit quartier, ni ne possèdent les compétences que possède la plupart des citoyens. La raison d'un tel agissement est que le tyran fait sien le slogan «la loyauté avant la compétence». En conséquence il fait prévaloir le pillage, l'appropriation des deniers publics, la dilapidation des richesses du pays qu'il fait expédier à destination de banques à l'étranger, lesquelles les gèleront le cas échéant, puis s'en empareront après la chute du dictateur.
Il se peut que le droit le plus fondamental usurpé par le dictateur soit celui de refuser aux autres d'avoir une opinion, ce qui, curieusement, rappelle les agissements du Pharaon qui, selon le verset coranique, a dit aux siens : (“Je ne vous indique que ce que je considère bon. Je ne vous guide que vers le chemin de la droiture”.). En effet, le dictateur ne veut entendre que sa propre opinion qu’il n’accepte de partager avec personne à plus forte raison d'accepter d'écouter une voix discordante, qu'on discute avec lui ou qu'on se réfère à lui au sujet d'une opinion ou d'une question. C'est pourquoi il cherche à museler les bouches et à empêcher la voix libre de se faire entendre, à poursuivre les hommes libres ou à les faire exiler ou à les jeter dans des cachots. En revanche, il cherche à contrôler tous les moyens d'influence qui n'ont d'autres choix que de se consacrer à l'éloge de son action et de ses exploits. Aucune voix n'a le droit de s'élever au-dessus de la sienne. De plus ce qu'il dit est tellement juste qu'il ne nécessite pas de preuve.
Il est le seul en mesure de comprendre ce dont son peuple a besoin et l'unique à connaître ce qui peut lui profiter dans sa religion et dans ses affaires mondaines. Quant aux autres, il les considère comme des extrémistes rancuniers qui ne cherchent qu'à semer et à répandre le désordre dans le pays. C'est pourquoi le dictateur tient à tout prix à protéger son peuple contre ces gens corrompus : ("Je crains qu'il ne change votre religion ou qu'il ne fasse apparaître la corruption sur terre".).
Il refuse les libertés publiques et privées et s'interfère dans des détails aussi superficiels que leur façon de s'habiller ou de mener leur vie. À son avis ils ne sont qu'un troupeau qui a besoin d'un commandant sauveur. Allah leur a conféré une faveur en la personne du dictateur pour les orienter et les conduire. Ils doivent donc l'en remercier !
Ben Ali a donc fui la colère de son peuple. Avant lui ce fut le cas de Ferdinand Marcos des Philippines, d'Eric Honker de l'Allemagne de l’Est, d’Idi Amin Dada de l'Ouganda, du Shah d'Iran Mohammad Reza Pahlavi, de Jaafar Nimeiri du Soudan, d'Ibrahim Abboud, d'Anastasio Somoza du Nicaragua, de Charles Taylor du Libéria, de Gonzalez Sanchez de Bolivie, de Jean-Bertrand Aristide de Haïti, d'Askar Akaev du Kirghizistan, de Nikolai Ceausescu de Roumanie et de Slobodan Milosevic de Yougoslavie. Tout ce monde a fui le soulèvement populaire dans un intervalle de temps ne dépassant pas trois décennies. La question, légitime qu'on doit poser est : Qui est le suivant ? Cette question ne doit pas être posée aux tyrans, mais aux peuples ?

L'industrie de la Tyrannie, Saeed Hareb pour la revue Al Arab

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