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Les blessures de la langue … et la considération des sentiments

Les blessures de la langue … et la considération des sentiments

 

Les blessures de la langue … et la considération des sentiments

Prêter attention aux sentiments des gens est un noble comportement, un acte méritoire et une attitude civilisée requise pour vivre en société. C’est aussi une des finalités de la religion. Le Coran nous le commande et le Prophète () se parait de ce comportement.

Lorsqu’Allah créa l’homme, Il le dota de sensibilités et de sentiments qui sont soumis à l’influence de nos rapports avec autrui. Et ceci peut affecter notre état d’esprit et engendrer un état de joie, de gaieté et de bonheur ou de tristesse, d’angoisse et de malaise. C’est pourquoi il est nécessaire de respecter ses sentiments et prendre en considération les sensibilités de chacun.

L’islam est la religion de la beauté et de la perfection. La religion de la miséricorde, de la civilisation, de l’éminence et de la grandeur. Et ceci sous les différents aspects que sont les dogmes, les lois, l’éthique et les rapports sociaux. Cette religion ne pouvait donc pas négliger un aspect qui a une telle influence sur l’état d’esprit du musulman en particulier, mais aussi de l’homme de façon plus générale.

Et tout comme cette religion fut enseignée pour sortir les hommes des ténèbres à la lumière, des faux dogmes aux dogmes authentiques, de même, elle enjoint les hommes à délaisser tous les vils et mauvais comportements pour adopter les plus nobles et les meilleurs. Elle a donc remédié aux comportements grossiers, brutaux, durs et rustiques pour les changer en comportements de miséricorde, de tolérance et de finesse. Ses adeptes en sont mêmes à choisir leurs mots, leurs propos et leurs expressions pour ne pas blesser autrui.

« Dis à Mes serviteurs de s’adresser aux autres de la manière la plus douce car Satan, l’ennemi déclaré des hommes, tente par tous les moyens de semer la discorde entre eux. » (Coran 17/53).

Allah nous a donc intimé l’ordre, lorsqu’on souhaite s’adresser à quelqu’un, de choisir ses mots, d’user des meilleures expressions, des termes les plus gracieux, avec la plus grande clarté. Et ce, de façon à ne pas laisser la possibilité au diable de semer la discorde entre les croyants. Il te faut donc choisir les mots et les termes que tu t’apprêtes à employer afin qu’il n’y en ai pas de plus beaux et de plus doux sortir de ta bouche.

Et cette recommandation ne concerne pas uniquement les musulmans entre eux, puisque les principes islamiques veillent aussi à prendre en considération les sentiments des proches et des moins proches, des musulmans et des mécréants, de ceux qui obéissent à Allah comme de ceux qui Lui désobéissent. Allah dit : «  Et dites aux gens de belles paroles. » Il a dit les gens, il s’agit donc de tous les gens.

Le coran regorge de ce genre de recommandations et de ce type de verset. Citons-en :

« Des paroles convenables et une attitude indulgente valent bien mieux qu’une aumône suivie de paroles blessantes. Allah peut parfaitement se passer des hommes et Il est Longanime. » (Coran 2/263).

Une bonne parole même si elle n’est pas accompagnée d’une aumône est bien plus méritoire que de faire un don et de rappeler à celui qui l’a reçu notre bienfait à son égard. Une telle attitude cause du tort, de la peine et de la souffrance, en plus d’humilier la personne. C’est pour cela qu’une telle attitude annule la récompense de cette aumône :

« Vous qui croyez ! N’annulez pas la récompense de vos aumônes par un rappel désobligeant ou des propos blessants. » (Coran 2/264).

Le Prophète () a dit : « Allah ne parlera pas à trois types de personnes le Jour de la résurrection, ne les regardera pas, ne les purifiera pas, et ils subiront un châtiment douloureux : Ceux dont les vêtements dépassent la cheville, ceux qui rappellent aux autres les bienfaits qu'ils leur ont accordés, et ceux qui jurent mensongèrement pour écouler leurs marchandises. »

Et dans l’histoire du Prophète Yousouf : « Père ! Voici que mon rêve d’autrefois se réalise par la volonté d’Allah qui m’a comblé de Ses faveurs en me faisant sortir de prison » (Coran 12/100). On constate qu’il n’a pas mentionné le puits dans lequel ses frères l’avaient jeté pour ne pas leur rappeler leur mauvaise action et le tort qu’ils lui avaient causé. Par contre, il a bien mentionné la prison puisqu’ils sont innocents de toute responsabilité sur ce point. Peut-on prendre en considération les sentiments avec un comportement aussi beau que celui-ci ?!

Allah dit à son Prophète :

« C’est par la grâce d’Allah que tu as été bienveillant envers eux. Si tu t’étais montré autoritaire et sans cœur, ils se seraient éloignés de toi. » (Coran 3/159).

Ce qui signifie que si tu avais tenu des propos malveillants, montré un cœur dur, ils t’auraient délaissé et ne se seraient surtout pas réunis autour de ta personne. Mais le Prophète était plus miséricordieux à leur égard qu’ils ne l’étaient pour eux-mêmes. Et ils prenaient en compte mieux que quiconque leurs sensibilités même quand il les appelait à corriger leurs erreurs. Âïcha rapporte : « Quand il apprenait qu’un de ses compagnons avaient fait quelque chose de mal, le Prophète () ne le reprenait pas en disant ‘ que dites-vous d’untel’ mais plutôt ‘ que dites-vous de gens qui font telle ou telle chose’ » Il ne citait pas son nom pour ne pas le blesser ou le dévoiler devant les gens.

As-Sa'b Ibn Jathâma a dit : « J'ai offert au Messager d'Allah () un âne sauvage mais il le refusa. Lisant sur mon visage ma tristesse, il dit: Nous ne l'avons refusé que parce que nous sommes en ihrâm [état de sacralisation du pèlerin]'. » Et il est bien connu que le pèlerin dans cet état ne peut consommer ce qui est issu de la chasse. Le Prophète () a donc pris en considération ici le sentiment de ce compagnon en lui remontant le moral : « Et tu es certes, doté d’un noble comportement. »

Le Prophète () a dit : « Un homme ne devrait pas lever un autre de sa place pour s’y assoir. » (Bokhari). Une telle attitude est à même de l’affecter, de le rabaisser et de l’humilier.

La sensibilité des enfants

Le Prophète () prenait aussi en considération la sensibilité des enfants. Il les saluait quand il passait devant eux. Il leur caressait les cheveux quand ils étaient face à lui et invoquait Allah en leur faveur. Il les plaçait derrière lui sur sa monture. Il plaisantait avec eux comme il est relaté dans le hadith ou il fit allusion à un oiseau avec lequel un enfant avait l’habitude de jouer et fit un jeu de mot en disant : « Ô ‘Umayr, qu’est devenu An-Nughayr. ».

Un jour qu’il présidait une prière, il fit une prosternation plus longuement que d’habitude. Ses compagnons lui en firent la remarque : « Ô messager d’Allah, tu t’es prosterné bien plus longuement que d’habitude et nous avons cru qu’il était arrivé quelque chose ou que des versets t’étaient révélés. Il leur dit : Non il n’y a rien de tout cela mais mon fils est monté sur moi et je ne voulais pas l’en faire descendre hâtivement avant qu’il ne le fasse lui-même. » (Ahmad et Nasâ’î).

Les servants et les domestiques :

Même avec les domestiques et les servants, le Prophète de la miséricorde enjoignait ses compagnons à prendre en compte leurs sensibilités et les respecter. Ils sont des hommes comme les autres mais ont été éprouvé par leur condition de servilité ou leur besoin de se mettre au service d’autrui pour vivre. Et cette recommandation prophétique s’incarne dans les hadiths suivants :

Le Prophète () a dit : « Que personne d’entre vous ne dise mon esclave quand il l’appelle car vous êtes tous, hommes et femmes, des esclaves d’Allah. Dites plutôt mon fils ou ma fille, jeune homme ou jeune fille. » (Muslim).

Selon Abu Dharr, le Prophète () a dit : « Vos domestiques sont vos frères qu'Allah a mis sous votre main. Que celui qui a son frère musulman sous sa main le nourrisse de ce qu'il mange et l'habille de ce qu'il porte lui-même. Et ne le chargez pas de ce qui est au-dessus de ses forces. Si vous devez le faire, alors aidez-le. » (Boukhari).

 

Et plus beau encore ce hadith : «  Lorsque le serviteur de l'un d'entre vous lui présente son repas, et qu'il ne l'invite pas à s'asseoir avec lui, qu'il lui tende au moins une ou deux bouchées en se souvenant que c'est lui qui le lui a préparé. » (Bokhari).

C’est ce servant qui a préparé le repas de ses mains, il en a senti l’odeur et en a l’eau à la bouche. Assois le donc avec toi si tu peux comme le faisait ibn Omar. Et si ce n’est pas possible alors le moins que tu puisses faire et de lui donner une part de ce repas pour qu’il puisse en manger car tu t’apprêtes à t’en délecter alors que lui te regarde et il en a envie tout comme toi.

Les animaux

En islam, la prise en compte des sentiments et de la sensibilité s’étend jusqu’aux animaux. Notre religion veille à ce qu’ils ne subissent aucun préjudice. C’est ce qui apparait du hadith de Abu Ya'lâ Chaddâd ibn Aws qui rapporte que le Prophète () a dit : « Allah a prescrit l'excellence en toute chose. Aussi, lorsque vous tuez, faites-le bien et lorsque vous égorgez un animal, faites-le bien. Aiguisez le couteau et soulagez l'animal. » (Muslim).

Et selon Ibn Abbass : « le Prophète () a interdit de prendre un être vivant pour cible. »

Ibn Omar rapporte qu'il passa un jour devant un groupe de jeunes gens de Qouraych qui prenaient un oiseau pour cible avec leurs flèches. A chaque tir manqué, la flèche revenait au propriétaire de l'animal. Quand ils virent arriver Ibn Omar, ils s'enfuirent. Ibn Omar dit alors: « Qui a fait cela? Qu'Allah maudisse celui qui a fait cela. Le Messager d'Allah () a maudit celui qui prend un être vivant pour cible. » (Mouslim).

Ibn Mas'ud, qu’Allah lui fasse miséricorde, rapporte : « Nous étions avec le Messager d'Allah () en voyage lorsqu'il se sépara de nous pour ses besoins. Nous aperçûmes alors un petit oiseau avec ses deux oisillons dont nous nous saisîmes. La mère se mit aussitôt à battre des ailes. De retour, le Prophète nous interrogea: Qui a affligé cet oiseau en s'en prenant à ses petits? Rendez-les-lui. Ensuite, il vit une fourmilière que nous venions de brûler et il demanda: Qui l'a brûlée? Nous répondîmes: C'est nous. Il dit : Il ne convient qu'au Seigneur du feu [Allah] de châtier par le feu. » (Sahîh Abou Daoud).

L’indigence des sentiments

Tels sont les enseignements de l’islam et de son Prophète de ce goût raffiné pour que la vie des gens soit empreinte de finesse, de compassion et soit agréable. Mais certaines gens souffrent d’indigence au niveau de leurs comportements et de leurs sensibilités et ne ressentent absolument pas ce que peuvent ressentir leur prochain ni ne s’en soucient. Ils sont froids, inertes, durs, arrogants, orgueilleux. Et c’est là l’indigence la plus néfaste : « la pauvreté ne consiste pas à avoir les poches vides d’argent mais la véritable pauvreté est d’avoir son cœur vide de toute sensibilité. »

Heurter les gens, défaire leur morale et les blesser se retourne le plus souvent contre qui en est coupable en suscitant du dédain, de la haine et de la répulsion. Porter un préjudice aux âmes est bien plus grave que d’en porter aux corps. Les blessures de la langue sont d’ailleurs plus violentes, plus dures et plus profondes que celles causées par des épées et des armes. Et certaines de ces blessures ne cicatrisent pas, même avec le temps.

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