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Le concept de l'émigration : intérieure et extérieure

Le concept de l

Le concept de l'émigration : intérieure et extérieure

"Hidjra", "émigration" en arabe, est dérivé de "ha-dja-ra", qui signifie en fait  "délaisser" (FB 1/21). "Mouhadjir" signifie en fait "Hadjir" (FB 1/75). 

La "Hidjra" concerne le musulman à un niveau intérieur autant qu'à un niveau extérieur (FB 1/75), et, à chacun de ces niveaux, selon des modes pluriels.
L’émigration est un mouvement que le musulman produit aussi bien en son for intérieur qu'en tant qu'action extérieure :

Au premier abord, le musulman fait un effort sur lui-même pour se défaire des mauvaises croyances et/ou actions qu'il faisait auparavant ; il s'agit d'une "émigration", dans la mesure où il "délaisse" une mauvaise conception ou une mauvaise habitude pour adopter la bonne.

A un niveau plus intérieur encore, le musulman fait également un effort sur lui-même pour ne pas donner suite aux penchants vers les croyances ou les actions mauvaises qui se font jour en son for intérieur : il s'agit également d'une "émigration", d'un "délaissement". Ces deux premiers degrés d'émigration sont évoqués dans le Hadith du Prophète, ,  qui dit : " Et l'émigré est celui qui a délaissé ce que Dieu a interdit. " (Boukhari) ; " Et l'émigré est celui qui a délaissé les fautes morales et les péchés. " (Ibn Maja). 

A un troisième degré, le musulman est tenu de délaisser une assemblée dont il sait qu'elle comporte l'action du mal ; il peut s'y rendre si c'est pour dénoncer le mal qui y est fait,  sinon pour une raison valable (Maslaha Moûtabara Char'âne). Allah dit : " Et Il a déjà fait descendre sur vous dans le Livre (l'ordre disant) que lorsque vous entendez les versets de Dieu être reniés et raillés, alors ne vous asseyez pas avec ces gens jusqu'à ce qu'ils entreprennent une autre conversation. Sinon vous serez comme eux. " (S4/V140).

" Et quand tu vois ceux qui pataugent dans des discussions à propos de Nos versets [= s'en moquent], éloigne-toi d'eux jusqu'à ce qu'ils entament une autre discussion. Et si le Diable te fait oublier [de t'éloigner d'eux et que par oubli tu assistes à leur propos], alors dès que tu te rappelles, ne reste pas avec ces injustes. " (S6/V68).

Il y a également ce Hadith du Prophète : " Celui qui croit en Dieu et au jour dernier, qu'il ne s'assoie pas à une table où l'alcool est bu" (Ad-Darimi, Ahmed et At-Tirmidhi).

L'imam Ibn Taymiya a écrit, en commentaire du verset S4/V140 : son propos est nuancé par rapport à celui de Al-Qourtoubi, dans la mesure où il autorise une exception ; il a dit : " Il n'est pas permis à quelqu'un d'être présent en des lieux où il assiste à des péchés alors qu'il ne peut pas les condamner, sauf pour une raison valable, comme le fait qu'il y ait là-bas quelque chose dont il a besoin pour l'intérêt de sa religion ou un intérêt temporel (la Maslaha de son Dine ou de son Dounya)  et pour lequel il a besoin d'y assister ou qu'il y soit contraint (Moukrah) ; par contre, y assister pour le simple divertissement n'est pas autorisé. " (MF 28/239 ; voir également p. 221) ; " Ceci signifie qu'il ne doit pas assister aux péchés sans aucun besoin, comme (le fait) qu'il s'assiérait auprès de gens qui boivent l'alcool (...)" (MF 28/204).

Dès lors, délaisser ce genre d'assemblée est une "émigration", que le musulman pratique du lieu consacré au péché vers un lieu différent:

(Il est à noter que, comme Maslaha Moûtabara par rapport à ce dernier Hadith et autorisant d'être assis à pareille table, on peut imaginer aujourd'hui le musulman qui vit en pays non-musulman, qui ne peut avoir de travail en soi licite qu'après de grandes difficultés et dont l'activité professionnelle est licite mais à qui, un jour, son patron donne l'ordre d'assister à un cocktail destiné à des clients et, malgré sa demande, reste intraitable. Ce musulman y assistera. Bien entendu lui-même ne boira rien.)
C'est également dans ce sens que se comprend cette parole du Prophète : "Lorsque le péché est commis sur terre, celui qui y assiste et le déteste [au fond de son cœur] est comme celui qui en était éloigné. Et celui qui en est éloigné (mais) est content de ce mal est comme celui qui y assiste" (Abou Dawoud).

Cet autre Hadith montre bien, lui aussi, que l'idéal, requis de façon nécessaire, est qu'on ne soit pas présent dans les lieux où le péché est commis ouvertement ; sauf au cas où on ne peut pas s'en éloigner à cause d'une Maslaha Moûtabara: il est alors autorisé d'être  présent, mais il est nécessaire de désapprouver en son cœur l'acte de péché commis ; on est alors considéré comme celui qui s'en était éloigné. A l'inverse, l'homme qui agrée ce péché est considéré comme s'il y assistait, même s'il était éloigné de ce lieu : le fait est que celui-là manque à l'émigration du cœur. 

Enfin, à un quatrième degré, le musulman a l'obligation de faire son possible pour quitter la terre où il se trouvait jusqu'alors s'il ne peut plus y pratiquer ses obligations et s'y préserver des interdits.

Les émigrations du troisième et du quatrième degré, qui sont des actions visibles et extérieures, procèdent en fait de l'émigration des second et premier degrés, qui sont des actions intérieures. En effet, c'est parce qu'intérieurement il désire délaisser le péché que le musulman s'éloigne des assemblées où celui-ci est ouvertement pratiqué. De même, c'est parce qu'intérieurement il ressent le besoin de pratiquer ce qui est obligatoire et de se préserver de ce qui est interdit que le musulman fait son possible pour quitter le pays qui ne lui permet pas de le faire.  

Ceci entraîne que, à l'inverse, mettre en œuvre le quatrième degré et émigrer d'un pays de Koufr ne prend tout son sens que si, une fois parvenu en Dar Al-Islam, le musulman met en œuvre les premier et second degrés ; c'est là un des sens du Hadith cité plus haut : "Et l'émigré est celui qui a délaissé ce que Dieu a interdit". Le terme "l'émigré" désigne ici celui qui mérite pleinement ce qualificatif eu égard au fait qu'il en a réalisé non pas seulement l'action d'émigrer spatialement mais la perfection obligatoire (Al-Kamal Al-Wadjab).

L'imam Ibn Taymiya a formulé cette réalité ainsi : ces émigrations – Hidjra – appartiennent à la catégorie générale ("Djins") "délaissement de l'action mauvaise, par Taqwa". (A la différence du Hadjr consistant à ne plus adresser la parole à celui qui fait ouvertement le mal : ce Hadjr là relève d'une catégorie différente, astreinte à des règles différentes.

 

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